Vers une contre-offensive des plateformes de streaming européennes avec Digital Music Europe

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Le secteur de la musique monte en gamme au niveau européen avec un nouvel acteur de taille, Digital Music Europe, trait d’union entre plusieurs plateformes européennes de la musique en ligne. Une arrivée qui, dans un contexte rythmé par les discussions sur les projets de directives et de règlements, intervient à un moment plus qu’opportun. Et bien que pour l’heure les dirigeants de Deezer et de Spotify s’évertuent à faire valoir cette initiative comme une alliance de prime abord, Digital Music Europe est de toute évidence un lobby qui ne dit pas son nom.

Les lobbying les plus actifs à Bruxelles ont aussi la réputation d’être les plus discrets. C’est en train de changer dans le secteur de la musique. Digital Music Europe l’illustre aujourd’hui. Officiellement, l’alliance de Spotify, Deezer, Soundcloud, Qobuz, Soundcharts, 7digital vise à promouvoir l’excellence européenne de la musique en ligne. « Le marché de la musique européen a enregistré une croissance de 4% en 2016. Il y a maintenant plus de 120 millions d’abonnés dans le monde. Et devinez quoi ? Plusieurs entreprises qui ont permis la croissance des abonnés payants et globalement du marché de la musique enregistrée sont européennes ! » s’est réjoui Hans-Holger Albrecht lors de l’inauguration de Digital Music Europe à Bruxelles. Le Président-Directeur Général de Deezer a insisté sur l’importance de mettre en avant le leadership européen, les poids lourds d’aujourd’hui Spotify et Deezer étant les nouveaux arrivants d’il y a quelques années. Digital Music Europe a donc aussi pour vocation « de partager les success-stories pour inspirer les entrepreneurs du futur » d’après son Président Hans-Holger Albrecht. Une approche évidemment la bienvenue pour la Commission Européenne, à l’aube de la préfiguration par la DG Education and Culture de ‘Music Moves Europe’, futur programme d’aide dédié à la musique équivalent au programme MEDIA pour l’audiovisuel. « Nous voulons que nos champions européens soient soutenus et nous voulons aussi promouvoir la diversité culturelle » a rappelé Michel Magnier, Directeur de la Culture et de la créativité à la DG EAC.

Double stratégie

A l’heure où plusieurs textes sont débattus à Bruxelles où les sujets (responsabilité des plateformes, geo-blocking, règlement droit d’auteur…) alimentant les discussions entre politiques comme entre acteurs des industries sont nombreux, la promotion du leadership européen par les plateformes s’accompagne d’autres objectifs. L’intervention à Bruxelles de Hans-Holger Albrecht l’a confirmé: « Ensemble nous voulons aussi porter une voix unique dans le débat politique. Nous croyons que le marché unique numérique est une opportunité pour servir les intérêts des consommateurs comme des artistes, mais aussi de garantir les conditions d’une concurrence équitable et pour promouvoir la croissance de l’industrie musicale ». Digital Music Europe s’apprête donc à déployer une double stratégie. Jusqu’à présent, peu d’informations ont filtré sur la feuille de route en matière de lobbying vis-à-vis des multiples projets de directives et règlements. Mais d’après son Président parmi les priorités de Digital Music Europe émerge sans surprise celle de « faire valoir les besoins de notre secteur pour que des politiques intelligentes soient adoptées avec des législations qui aident tout un chacun ». Digital Music Europe devrait, progressivement, incarner la riposte des plateformes européennes vis-à-vis des plateformes américaines. La diversité culturelle régulièrement mise en avant par les acteurs français et européens de l’industrie musicale prévaut tant dans le rapport entre pays européens que dans celui des européens en quête de consolidation face aux américains. Ce qu’appelle précisément de ses vœux la Commission Européenne. « La formation d’une représentation d’acteurs de l’industrie est toujours une bonne nouvelle, certes pour vous, mais aussi pour nous afin de saisir vos attentes et vos préconisations » a commenté Manuel Matteo, membre du cabinet de Mariya Gabriel, Commissaire à l’économie et à la société numériques nommée en juillet dernier après le départ au budget de Günther Oettinger. Un appel à la collaboration auquel s’attèle à répondre dès à présent Digital Music Europe d’après ses dirigeants Hans-Holger Albrecht (Deezer) et Olivia Régnier (Spotify). Et ce, bien évidemment, en vue d’une convergence des projets de directives et de règlements avec les intérêts des plateformes de streaming européennes.

 

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