Le spectacle musical s’affirme en tant qu’industrie créatrice de valeurs

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Mettre en évidence les indicateurs économiques du spectacle musical et variété. C’est le chemin de fer suivi à travers l’étude menée par le cabinet EY pour le syndicat des producteurs, diffuseurs et salles de spectacles (Prodiss). Une publication qui arrive à un moment opportun, et confirme la dynamique du secteur privé visant à renforcer sa crédibilité et à se démarquer des autres industries de la Culture. Sans pour autant rentrer dans une concurrence ou une opposition stérile avec d’autres secteurs.

L’industrie du spectacle veut susciter une implication des politiques à la hauteur de son poids économique et de ses ambitions. Dans cette optique, l’étude EY met évidemment l’accent sur les emplois, les impacts économiques dans les territoires et l’attractivité. « C’est une grande première, le spectacle est une industrie culturelle, un formidable vecteur économique pour notre pays » s’est réjoui le Président du Prodiss, Luc Gaurichon, lors la présentation de l’étude à Paris. En 2015, le spectacle musical et variété représentait 119 500 emplois directs, dont 97 000 permanents. S’y ajoutent 21 800 équivalents temps plein, comprenant notamment les intermittents du spectacle. Le chiffre a toute son importance dans un contexte de réformes en matière de droit du travail, avec notamment la baisse annoncée des budgets pour les contrats aidés en 2018, ou sur le moyen-terme avec des négociations sur l’assurance chômage qui se déroulent environ tous les deux ans. Les emplois équivalents temps plein (ETP) dans le spectacle sont certes moins importants que ceux du secteur des loisirs, ou encore que ceux de l’architecture (30 000) mais ils sont équivalents à l’industrie navale et, surtout, six fois supérieurs à ceux de la musique (3 452) et trois fois plus nombreux à ceux de la radio. Les 4 000 entreprises actives dans la production, la diffusion, l’exploitation de salles et l’organisation de festivals illustrent la productivité et la vivacité du secteur. « Mettre en lumière le talent, la créativité et la contribution apportés par les entrepreneurs de spectacle constitue un véritable marqueur de l’influence que peut avoir la culture sur notre pays » a déclaré Luc Gaurichon. D’un point de vue financier, le spectacle musical et variété est l’une des économies de la culture les plus fortes avec 2 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2015 (hors théâtre, danse et musiques classiques). Sur la même année, les analyses d’EY ont évalué le chiffre d’affaires du secteur de la musique à 1,3 milliard d’euros. Toujours à titre de comparaison – bien que la méthodologie du 2ème panorama des industries culturelles réalisée par EY en 2015 soit quelque peu différente – les revenus directs du cinéma s’élevaient à 2,9 milliards d’euros en 2013.

2,3 milliards d’euros de retombées économiques

L’activité du spectacle musical et variété sur dans les territoires était connue, les spectacles et les festivals étant régulièrement analysés par le Centre National des Variétés (CNV) entre autres. L’étude du cabinet EY, en se basant sur les données de l’IRMA, illustre la vivacité du secteur en régions. Elle traduit aussi les disparités de l’offre de spectacles. Plus de vingt de départements comptent plus de 15 salles de spectacles, mais au moins autant sont équipés de moins de 5 salles. Malgré ces iniquités, l’impact du secteur du spectacle musical et variété dans les régions est réel. « L’un des enseignements de cette étude est l’effet un pour un, c’est-à-dire que pour 1 euro généré pour les quatre grandes familles d’entrepreneurs, 1 euro est généré pour les territoires » a souligné Marc Lhermitte, associé EY, lors de la présentation des conclusions de l’étude. Outre les 2 milliards d’euros de chiffre d’affaires générés par les producteurs, diffuseurs, exploitants de salles et organisateurs de festival, les retombées économiques du secteur sont évaluées à 2,3 milliards d’euros. Des recettes dont bénéficient en premier lieu les territoires, avec 1,8 milliard d’euros rapportés par les dépenses dans le tourisme et la consommation. Les festivals sont les premiers créateurs de richesses en régions en rapportant de 70% de l’impact en matière de tourisme, les 30% restants étant assurés par les salles. « Avec de tels montants, on commence à peser dans l’économie nationale » note Marc Lhermitte. D’autant qu’au-delà des frontières du territoire, le spectacle est également un secteur qui contribue au rayonnement de la France à l’international. Sur les 262 millions d’euros générés à l’export de la musique, le spectacle a généré 60 millions d’euros de chiffre d’affaires (23%).

Le Prodiss en quête de leviers de croissance

Le Prodiss se dote d’arguments de taille pour faire valoir les intérêts du spectacle musical et variété auprès des pouvoirs publics. Son Président, Luc Gaurichon, également entrepreneur au sein de la société Caramba, l’a confirmé, « cela conforte nos réflexions sur la nécessité de faire évoluer la politique culturelle. Les leviers de croissance sont reconnaissables et passent par la dynamique donnée à nos industries culturelles ». Les entrepreneurs du spectacle sont clairement face à la problématique de rentabilité. D’après l’étude EY, ¾ des entreprises réalisent un chiffre d’affaire de moins d’1 million d’euros. Le secteur fait valoir d’une rentabilité parmi les plus faibles de la Culture, de l’ordre de 10% en 2014,  en comparaison du chiffre d’affaires et de retombées en régions. Et il n’est pas certain que 2015 et 2016 et 2017 soient plus rentables notamment en raison de l’augmentation des coûts liés à la sécurité, mais également des postes techniques et artistiques. Le secteur du spectacle privé au sein duquel le Prodiss est à l’avant-garde est donc en quête de leviers de croissance. Dans les prochains jours les priorités du syndicat majoritaire dans la branche, dont les 350 membres réalisent plus de la moitié des recettes de la billetterie et environ deux tiers du chiffre d’affaires, devraient être clarifiées lors de son Assemblée Générale. Elles s’organisent dans la volonté  d’une meilleure reconnaissance du spectacle aux yeux des pouvoirs publics et au sein des dispositifs présents et à venir. La revalorisation du crédit d’impôt entré en vigueur en 2016, les moyens alloués à l’export, ou encore la place du spectacle au sein de la Maison commune de la musique vont en ce sens.

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