Quotas radios : les dispositions de la loi LCAP confirmées par le Conseil d’Etat

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Une seconde décision convergeant avec les intérêts des créateurs dans le secteur de la radio, six mois après celle du Conseil Constitutionnel sur l’extension de la licence légale aux webradios. C’est précisément ce qu’a rendu le Conseil d’Etat il y a quelques semaines en validant les conditions liées aux quotas radios issues de la loi LCAP. Et dans une période où les réticences au sein de la filière en matière d’exploitation de la musique sont multiples mais aussi distinctes en fonction des acteurs, l’orientation du Conseil d’Etat est évidemment perçue comme un beau signal.

Les dispositions de la loi ‘Liberté de création’ relatives aux quotas radios, venues modifier la loi de 1986, n’entravent ni le principe d’égalité, ni la liberté de communication, d’entreprendre et le droit de propriété. Sur la base de ce constat, le Conseil d’Etat a rejeté la demande du syndicat interprofessionnel des radios indépendantes (SIRTI) et de la radio Oui FM de saisine du Conseil Constitutionnel pour une Question Priorité de Constitutionnalité. Pour enrayer la concentration des playlists des radios, la loi LCAP avait instauré plusieurs mesures avec notamment la déduction des rotations afférentes aux dix titres interprétés en français les plus diffusés dès lors que celles-ci excèdent une part de 50% des œuvres en français diffusées. Ce que les radios indépendantes avaient contesté en soulevant une atteinte à la liberté de communication, la liberté d’entreprendre et au droit de propriété sur la base d’un plafonnement entrainé de facto par le décompte des rotations excédentaires et d’un rehaussement des quotas. Mais ce n’est pas la lecture faite par le Conseil d’Etat qui interprète ces dispositions comme venant « éviter la concentration de la programmation musicale sur un nombre restreint de titres » et comme n’ayant « ni pour objet ni pour effet de faire peser sur les éditeurs une obligation accrue de diffusion de chansons d’expression française ». Pour motiver sa décision, la juridiction s’est appuyée sur les mesures dérogatoires de la loi LCAP qui ont pour effet d’alléger. L’article 35 de la loi LCAP avait en effet fixé des exceptions à la réglementation pour les radios spécialisées dans la découverte musicale, avec un taux de 15% de nouvelles productions francophones, ou encore pour les radios ayant pris des engagements en matière de diversité avec un taux réduit de 40% à 30%. Du point de vue du Conseil d’Etat, ces exceptions confirment l’absence d’entrave à la liberté de communication et à la liberté d’entreprise et attestent de l’intérêt général poursuivi par le législateur.

Pas d’entrave au principe d’égalité

Autre argument brandi par les radios regroupées au sein du SIRTI, que les mesures stipulées par l’article 35 de la loi LCAP allaient à l’encontre du principe d’égalité. Sur ce point, le Conseil d’Etat a estimé que ni le fait « que le législateur règle de façon différente des situations différentes », ni qu’il prenne l’initiative de « déroger à l’égalité pour des raisons d’intérêt général » ne sont incompatibles avec le principe d’égalité garanti par la Constitution. En parallèle, le Conseil d’Etat n’a pas manqué de rappeler dans sa décision que la délivrance des autorisations des fréquences, en tant que « ressource rare », allait de pair avec la signature d’une convention engageant au respect d’un certain nombre d’obligations avec en leur sein « une proportion substantielle d’œuvres musicales d’expressions françaises ». Et face à l’argument soulevé de l’absence de réglementation similaire pour les plateformes de streaming, il a été mis en exergue la différence par définition entre les radios, définie par la loi de 1986 comme des « services de communication au public par voie électronique destinés à être reçu simultanément par l’ensemble du public », avec en outre une « absence de tout contrôle et de toute interactivité » et les plateformes de streaming. Le Conseil Constitutionnel n’aura donc pas à se prononcer sur la constitutionnalité des mesures relatives aux quotas radios. Dans la foulée de la publication de la décision, Tous Pour La Musique a souligné un « compromis atteint par le législateur entre une meilleure diversité en sein de la francophonie et une adaptation aux différents formats adoptés par les radios » et « l’apport indiscutable des quotas radios à la diversité culturelle ». La SACEM a également salué « une décision qui permettra aux radios d’exposer de manière plus adaptée la richesse de la chanson d’expression francophone ». La décision du Conseil d’Etat a donc été accueillie avec satisfaction par l’ensemble de la filière musicale qui rassemble tant les producteurs que les artistes-interprètes, les auteurs ou encore les éditeurs, excepté les diffuseurs. La confirmation de la réglementation relative à la diffusion de la musique francophone était évidemment une volonté des acteurs de la filière. Et certains y sont particulièrement attentifs bien que les radios soient avant tout des partenaires. Il y a quelques mois, un courrier avait été adressé au CSA pour lui faire part d’un certain nombre d’appréhensions vis-à-vis du non-respect des dispositions par certaines radios, et pour lui demander ses intentions si les manquements de mauvais élèves en la matière venaient à perdurer.

 

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