Plateformes : politiques et créateurs convergent pour une réponse européenne

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Les Rencontres Européennes des Artistes ont été le premier évènement de la Culture, dans le cadre de la présidentielle, à réunir les représentants de Macron, Fillon, Hamon et Mélenchon. Au-delà des grandes lignes de leurs programmes respectifs, ces derniers ont saisi l’occasion pour réaffirmer que leur candidat est le plus à même de défendre une rémunération des créateurs adéquate à l’exploitation des œuvres sur les plateformes. Faisant converger leurs discours avec les multiples revendications des auteurs et artistes-interprètes.

Beaucoup de mots et plusieurs belles idées qui font sens mais aucun engagement concernant la rémunération équitable des créateurs pour l’utilisation des œuvres sur plateformes. Une fausse note commune aux ‘Rencontres Européennes des Artistes’, organisées par l’Adami, et aux ‘Rencontres pour la Culture’ de la Spedidam qui se tenaient trois semaines plus tôt. Pas de quoi altérer la pertinence des débats et l’effort conséquent des artistes-interprètes pour rassembler les politiques autour de leurs intérêts. Et sur ce dernier point, c’est une réussite. Les enjeux des créateurs ont trouvé écho chez les candidats à l’élection présidentielle. Et pour cause, certains de leurs porte-paroles et soutiens sont réputés pour leur implication en faveur de la Culture. Marc Schwartz pour Emmanuel Macron, Patrick Bloche du côté de Benoît Hamon, David Lisnard en faveur de François Fillon.

Rémunération proportionnelle à l’exploitation

Les échanges autour de la rémunération des créateurs ont donc été le point d’orgue du débat politique des REA. Et si lors du colloque annuel de la Spedidam avait été constaté la retenue des intervenants, lors des REA, les représentants des candidats ont été plus précis et plus offensifs en particulier à l’égard des plateformes. Sachant que les politiques sont moins à l’avant-garde sur les sujets y afférant, traités à l’échelle européenne. David Lisnard a donc souligné qu’« Il faut que dans le calendrier européen soit défendu le modèle de création à la française avec le principe essentiel selon lequel les créateurs doivent être rémunérés à hauteur de l’utilisation des œuvres ». La rémunération équitable sur les plateformes tient la place que l’on connaît au sein des réclamations des créateurs. La nécessité d’une réponse d’envergure européenne pour la garantir est donc un point de convergence entre les auteurs de l’audiovisuel et du cinéma avec les artistes-interprètes. « Quand on regarde les propositions de la Society of Audiovisual Authors (SAA) et celles d’AEPO Artis, on n’est pas loin en termes de revendications » a noté Bruno Boutleux, Directeur Général de l’Adami. Outre la filière de la musique, il faut rappeler que dans l’audiovisuel et le cinéma les auteurs réclament une harmonisation à l’échelle européenne, avec en guise de base le pays favorisant le plus le droit d’auteur. « Cela nécessite que les systèmes de rémunération proportionnelle pour les auteurs en France, en Italie, en Espagne s’appliquent dans toute l’Europe » a expliqué le Directeur Général de la SACD lors de son intervention aux REA.

Financement de la création

Au-delà de la rémunération proportionnelle, le partage de la valeur générée par l’exploitation des œuvres sur les plateformes a particulièrement agité les créateurs intervenants au débat sur le droit d’auteur. Les ayants-droit de la musique, du cinéma et de l’audiovisuel sont, on le sait, unanimes sur l’harmonisation fiscale. Ils s’accordent sur la nécessité absolue de la contribution des plateformes au financement de la création. Et ce, à l’échelle européenne. Ce que pourrait instaurer la Directive des Services de Médias Audiovisuels (SMA) en permettant aux états membres d’imposer, par exemple, des obligations d’investissements directs ou de collecter des taxes au bénéfice de la création. Mais les complexités du dossier sont nombreuses. Cela n’a pas été soulevé aux Rencontres Européennes des Artistes, mais il faut rappeler que la contribution des plateformes en faveur du financement de la création n’est pas simple à évaluer. Notamment, d’après certains juristes, la question se pose de savoir s’il faut prendre en compte le chiffre d’affaires dans le pays de destination, dans le pays d’origine, ou encore les résultats d’audiences des plateformes. Pascal Rogard a d’ailleurs rappelé aux REA que « pour le moment, les dispositifs de taxation ne sont pas applicables aux acteurs qui localisent leurs sociétés là où il n’y a pas de contrainte au bénéfice de la création et de la production, comme au Luxembourg, en Irlande, aux Pays Bas ». Pour palier à une telle faille, les créateurs voudraient que ce soit bel et bien le pays de réception qui soit pris en compte pour définir les obligations de financement. C’est également la position de Benoît Hamon, d’après les déclarations de Patrick Bloche : « Il faut redistribuer la valeur créée sur internet avec une harmonisation fiscale, et ce en privilégiant le pays de destination et non le pays d’origine ». Dans le clan d’Emmanuel Macron émerge l’idée, d’après Marc Schwartz, puisqu’il faut une approche européenne d’une « taxe sur le chiffre d’affaires réalisé dans l’ensemble des pays européens ».

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