Partage de la valeur : Françoise Nyssen met la filière musicale en confiance

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La Ministre de la Culture a effectué sa première sortie publique auprès des professionnels et décideurs de la musique au Midem qui s’est achevé en fin de semaine dernière. Les déclarations de Françoise Nyssen étaient très attendues. Après avoir annoncé à la filière confier une mission sur le projet d’une Maison commune de la musique, dont le rapport sera rendu fin septembre, la Ministre a prononcé un discours solennel, rassembleur et calibré au vu des enjeux que posent les multiples projets de directives et de réformes concernant directement les industries culturelles.

La Culture est en tête de liste de la feuille de route du Gouvernement d’Edouard Philippe dans sa stratégie de marquer une rupture et d’impulser une nouvelle politique. Emmanuel Macron avait, avant comme après son élection, ravivé l’optimisme en affirmant que la culture et la création seraient au cœur de son action. Ces derniers mois, les représentants des auteurs, des artistes-interprètes, des producteurs, mais également des entrepreneurs du spectacle du secteur privé comme public se sont accordés sur le caractère très décevant du quinquennat précédent. Françoise Nyssen et Marc Schwartz, Directeur de cabinet qui a d’ailleurs défendu le programme d’Emmanuel Macron à de multiples rendez-vous auprès des professionnels de la musique et du spectacle durant la présidentielle, en ont pris acte. Pour sa première prise de parole devant la filière musicale, la Ministre de la Culture a concentré son discours autour des priorités du marché numérique pour les créateurs et ayants-droit. Le message adressé par Françoise Nyssen était clair. La France sera plus que jamais à l’offensive pour défendre le partage de la valeur et l’ensemble des intérêts des créateurs et des ayants-droit. « Je me battrai pour la filière » a déclaré la Ministre en introduction du Copyright Summit au Midem.

Le droit d’auteur replacé à la racine

Le droit d’auteur s’est vu remis à la place qui lui revient de droit par la successeur d’Audrey Azoulay, c’est-à-dire « à la racine de cette filière, de son dynamisme et de l’accessibilité des œuvres pour le public ». La Ministre de la Culture a tenu à rappeler que dans la mesure où il s’agit d’un « acquis à défendre plus que jamais à l’heure du numérique », elle ferait preuve de fermeté pour le préserver, assumant la « responsabilité » de son Ministère. Pour accompagner cette prise de position symbolique, Françoise Nyssen n’a d’ailleurs pas manqué de rappeler la première « victoire » de son mandat intervenue durant le Festival de Cannes : « Quelques jours après ma nomination, à l’occasion du Conseil des Ministres de la Culture, nous avons défendu un certain nombre d’amendements pour le projet de révision de la directive SMA. Je veux prendre ce sujet pour preuve de ce que nous pouvons accomplir sur le plan européen. La France a fait valoir sa voix et nous avons obtenu des avancées majeures. Nous sommes parvenus à porter à 30% le quota d’œuvres européennes dans les catalogues de services de vidéos à la demande, grâce au soutien des pays du sud et de l’Allemagne. C’est une très grande victoire pour les artistes, les ayants-droit et le public ». Une avancée qui avait certes été saluée par les filières du cinéma et de l’audiovisuel, bien que nuancée par l’insatisfaction notamment du côté des auteurs représentés par la SACD. Mais pour la Ministre de la Culture, il s’agissait-là d’un des prémices de l’action de la France à Bruxelles en faveur de la création et de la culture, en particulier lors des négociations sur le projet de réforme de la directive du droit d’auteur.

Rémunération des artistes-interprètes

Lors de son discours au Midem, Françoise Nyssen a fait part des principaux axes de la contre-offensive qu’elle entend mener à Bruxelles. Le partage de la valeur, « entre les créateurs, les éditeurs et les plateformes » émerge en tête, considéré par la Ministre comme « un enjeu majeur dans un système où il existe des systèmes de captation inéquitable ». Y est évidemment adossée l’évolution de la responsabilité des plateformes pour leur conférer un rôle plus « éditorial » que le statut d’hébergeur actuel. La Ministre de la Culture souhaite a d’ailleurs assuré qu’elle suivrait « l’avancée de dossier ». Evidemment, la lutte contre le piratage est également présentée comme une priorité, Françoise Nyssen ayant confirmé que cela passerait par « l’intensification de la répression contre les sites illégaux ». Autant de prises de positions qui emportent l’adhésion de l’ensemble de la filière musicale. Néanmoins, une déclaration de la Ministre de la Culture présage de la position inconfortable dans laquelle se trouvera la Rue de Valois. Il s’agit de la « défense de la rémunération des auteurs et des artistes-interprètes ». D’après Françoise Nyssen, « la France souhaite au sein de la directive l’introduction de dispositions permettant de consacrer un principe de rémunération juste et distincte pour chaque utilisation faite de leur création et interprétation ». Or, on le sait, l’architecte de l’accord qui avait en quelques sortes privé les artistes-interprètes d’obtenir dans la loi LCAP le pouvoir d’aller collecter une rémunération auprès des plateformes qui soit proportionnelle à l’exploitation des œuvres, n’était autre que Marc Schwartz, actuel Directeur de cabinet de Françoise Nyssen. Nonobstant, il semble que la Ministre ait tranché, à tout le moins pour la position de la France au niveau européen. Ce qui n’est pour l’heure pas synonyme d’approbation vis-à-vis de la demande de la Spedidam qui souhaite « revoir en urgence la loi ‘Liberté de création’ ».

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