Numérique : plaidoiries sur le droit d’auteur à la Cour de Cassation

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Le droit de la propriété intellectuelle appliqué aux litiges du numérique a longuement été abordé tout au long d’un colloque organisé sous l’égide de la Cour de Cassation et avec l’Association Française de Droit de l’Informatique et de la Télécommunication (AFDIT). Inévitablement, le droit d’auteur a été le point d’orgue des débats. Le temps de deux plaidoiries extrêmement opposées.

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La Cour de Cassation a renouvelé ses vœux envers le droit de la propriété intellectuelle. Lors de ce colloque quelque peu exceptionnel qui s’est tenu en son sein vendredi dernier, la Cour de Cassation a réaffirmé l’utilité et la symbolique de sa jurisprudence en la matière. Pour autant, ce sont avant tout ses limites qui ont été mises en exergue par les intervenants de la table ronde dédiée à la Culture. Concernant le droit d’auteur sur internet, la Cour de Cassation figure véritablement en arrière-plan de la jurisprudence européenne. Il faut dire que la Cour de Justice de l’Union Européenne a monopolisé l’attention des acteurs de la Culture à maintes reprises de par sa jurisprudence régulière vis-à-vis du droit d’auteur sur internet. Des arrêts qui s’imposent d’emblée à la Cour de Cassation au point d’en limiter le pouvoir et l’influence. « Il y a une réelle concurrence entre la CJUE et la Cour de Cassation. Les arrêts rendus par la CJUE sont autant de solutions qui ne seront pas apportées par la Cour de Cassation. Si la CJUE n’existait pas, son potentiel de création serait plus important » a estimé Me Christophe Caron. La question de savoir si la Cour de Cassation s’est ou non rendue indispensable sur les questions liées au droit d’auteur sur internet se pose. Elle n’a par exemple pas rendu d’arrêts majeurs à propos du droit d’auteur sur les réseaux sociaux, ni sur le livre numérique. Sans donner plus de détails, Me Christophe Caron a admis qu’ « il y a des silences de la Cour de Cassation sur un certain nombre de sujets mais ils ne lui sont pas imputables ».

Des notions anciennes applicables en 2017

Malgré tout, la Cour de Cassation aurait relevé tous les défis qui se sont présentés. D’après les propos de Me Caron, la Cour de Cassation a su faire évoluer sa position en stipulant dans des arrêts que le droit d’auteur n’est pas absolu et qu’il doit être mis en corrélation avec la liberté d’expression. Cependant elle ne s’est pas efforcée de s’adapter aux changements provoqués par le numérique. Les nouvelles technologies ont posé de nouveaux enjeux pour le droit d’auteur et plus globalement pour le droit de la propriété intellectuelle. Certains juristes considèrent que les arrêts rendus par la Cour ont enrichi le droit d’auteur sur internet. C’est notamment le cas de Christophe Caron qui a déclaré que « L’un des messages envoyés par le Cour de Cassation est que l’internet ne va chasser le droit d’auteur et ne va pas le révolutionner. La Cour dit que les notions anciennes du droit de la propriété intellectuelle peuvent être appliquée à l’univers numérique de 2017 ». Soulignant que le droit d’auteur « n’est pas noir, n’est pas blanc, mais se compose de nuances de gris infinies », ce dernier malgré tout reconnu des ambigüités de la Cour de Cassation en ce qui concerne les hébergeurs.

Incompatibilité avec l’univers numérique

Certaines déclarations durant la table ronde dédiée à la Culture auraient suscité de vives objections si les acteurs de la création avaient été présents. L’Avocat Yves Bismuth a longuement insisté sur le caractère compatible du droit d’auteur avec les innovations technologiques du numérique. Ce dernier n’a pas hésité à affirmer qu’il faudrait un droit d’auteur plus adapté à notre temps, martelant que « Le droit moral suprême est incompatible avec l’exploitation sur le numérique. Il devient une forme archaïque. Il y a de nombreuses insuffisances en matière de droit d’auteur. Il doit s’adapter à l’ère numérique ». L’enjeu qui se pose pour le législateur est de trouver des solutions qui permettent un équilibre entre le droit et les innovations technologiques. « La légitimité du droit d’auteur est contesté en raison des innovations. Il y a une difficulté à avoir le droit dans sa plénitude dans l’univers numérique. La spécificité du numérique oblige à redéfinir les œuvres multimédia notamment pour lesquelles il n’existe pas de définition » s’est justifié Yves Bismuth. Ce dernier a plaidé que la réforme et la modernisation du droit de la propriété intellectuelle était indispensable à son avenir, au risque qu’il devienne « soluble » dans l’univers numérique. Or c’est exactement ce que redoutent les acteurs de la Culture, si le droit d’auteur était modernisé par Bruxelles.

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