Marc Thonon – Bureau Export : « La filière musicale doit absolument prendre position sur des marchés clés »

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Marc Thonon, Directeur Général du Bureau Export

Les excellents résultats des artistes à l’étranger (Jain, MHD, Christine and the Queens, Maitre Gims, etc.), le potentiel des artistes français sur les marchés et la nécessité de relais de croissance de l’économie ont contribué à hisser l’export parmi les priorités majeures de la filière. La musique made in France a réalisé un chiffre d’affaires de 262 millions d’euros à l’export en 2016 et son poids économique a été évalué à 628 millions d’euros. Labels, producteurs de spectacle et éditeurs s’appliquent à conforter leur présence sur les principaux territoires européens (Allemagne, Royaume-Uni, Italie, etc.) tout en ciblant de nouveaux marchés pour diversifier leurs revenus. Le tout avec l’appui du Bureau Export qui les accompagne lors des marchés et festivals et veille à développer la visibilité de la musique labellisée made in France auprès des professionnels notamment. Dans une interview à CultureBiz, Marc Thonon détaille la réorganisation du Bureau Export menée pour en accroître l’efficacité. Le Directeur Général du Bureau Export fait également le point sur son financement, en précisant l’évolution des contributions de la filière et les besoins justifiant l’octroi de moyens supplémentaires pour renforcer la musique sur la scène internationale.

CultureBiz : La refonte du fonctionnement du Bureau Export entreprise au début de l’année produit-elle les effets escomptés ?

Marc Thonon : Le Bureau Export offre plus que jamais une gamme de services et programmes d’aides équilibrée et adaptée au potentiel et aux problématiques de la musique française à l’export. Le Conseil d’Administration est maintenant composé des membres de droit que sont ses financeurs soit 4 représentants de la musique enregistrée, 3 figures du spectacle vivant et 3 autres de issues de l’édition, auxquels s’ajoutent 6 membres experts représentants des métiers et des esthétiques musicales. Contre 30 sièges auparavant, il est clair que les échanges sont plus fructueux que jamais. En parallèle a été menée une réorganisation de l’équipe qui se décline maintenant en trois pôles, un dédié aux antennes et programmes d’aides, un pôle ressources et digital et un pôle juridique et administratif. La fusion entre Francophonie diffusion et le Bureau Export a été achevée. Les dispositifs d’aide ont aussi été repensés avec maintenant deux programmes pour les musiques actuelles, un pour le classique et un pour le jazz. Et l’arrivée d’un Secrétaire Général, Romain Laleix, est venue clôturer cette refonte organisationnelle. La filière musicale est plus que jamais unie au sein du Bureau Export qui est le seul outil commun où siègent tous les métiers : les éditeurs, les auteurs-compositeurs, les producteurs et les artistes dont les représentants de sociétés civiles devraient nous rejoindre au CA sous peu.

Le streaming a permis le renouvellement de la scène musicale française à l’export. Le Bureau Export s’est-il adapté à cette mutation en s’investissant davantage dans la promotion et la visibilité des artistes à l’étranger ?

Le streaming est un axe essentiel de notre développement. Le pôle ressources est entre autres chargé de repérer les tendances d’émergence sur les territoires grâce aux données, de détecter l’appétence pour certains artistes sur certains marchés. Et pour mieux exposer les catalogues français à l’étranger, nous avons lancé au Midem de juin dernier les playlists ‘What the France’. Le streaming progresse sur tous les marchés, notre ambition est de faire de What the France un outil de référence et facilement identifiable. Avec les pays nordiques dont nous suivons l’exemple, nous sommes quelque peu avant-gardiste en la matière. Nous savons que d’ores-et-déjà des professionnels étrangers suivent certaines playlists, comme celles des hits dans l’hexagone, pour déceler les artistes qui pourraient éventuellement être signés sur leur territoire.

« Les apports de la filière dans le budget du Bureau Export vont augmenter en 2018 »

Comment évoluent les principaux indicateurs de l’activité du Bureau Export, à savoir son budget, les aides attribuées et son nombre d’adhérents ?

Le Bureau Export bénéficiera d’un budget consolidé en 2018. Les montants alloués par la Ministère de la Culture s’élèveront à 2,2 millions d’euros, avec une hausse annoncée de 800 000 euros dans le PLF 2018 qui est un formidable signal. Le Ministère des Affaires Etrangères contribue pour l’heure à hauteur de 280 000 euros, et finance des postes pour un total « apport RH »  de 600 K€ euros. Concernant les apports de la filière, s’il y avait auparavant une certaine disparité dans les contributions de chacun des collèges,  l’écart aujourd’hui se resserre : le CNV abonde à hauteur de 350 K€ en 2017 (versus 80 K€ il y a 2 ans), la SCPP et la SPPF restent le premier collège contributeur avec 723 K€ et la Sacem le premier partenaire privé avec une dotation de 589 K€. L’idée est maintenant d’aller plus loin avec le retour de  l’Adami et la Spedidam pour à terme, à l’instar de ce qui se passe au FCM, obtenir que les apports des collèges métier s’équilibrent entre eux.

Les montants des programmes d’aide ont pu ainsi être doublés en 2017 en passant de 570 000 euros à 1,2 millions d’euros. Néanmoins, le montant moyen a diminué presque de moitié sur le programme ‘Export 1’ en passant de 5 000 à 2 300 euros. Il faut préciser que les adhérents du Bureau Export sont passés de 320 à plus de 400 en un an, et que nous assurons tout de même la présence d’artistes français sur un peu plus de 80 festivals tout au long de l’année. Reste que, a minima, les commissions jazz, classique et export 1 doivent être renforcées dès 2018 afin d’accompagner au mieux l’actuel foisonnement de projets export.

La filière demandait un effort de l’Etat à hauteur de 5 millions d’euros. Le Ministère de la Culture semble envoyer le même message à la filière que le précédent Gouvernement qui exigeait des apports supplémentaires de la filière.  Les contributions de la filière vont-t-elles augmenter en 2018 ?

L’annonce de la Ministre de la Culture est vécue avec satisfaction, la musique étant l’un des seuls secteurs à entrevoir une augmentation de subventions. Il y a une écoute de la part du cabinet de la Ministre et de nos interlocuteurs à la DGMIC et la DGCA. Pour autant la filière doit rester mobilisée. Le dialogue continue avec les pouvoirs publics et avec nos partenaires de la filière pour augmenter le financement du Bureau Export en 2018 et ce progressivement avec un objectif de à 10 millions d’euros d’ici 2020.

Les apports de la filière vont bel et bien augmenter en 2018. Il y avait une obligation de matcher les 500 000 euros annoncés par Madame la Ministre Audrey Azoulay en marge du MIDEM 2016, lequel devrait être effectif en fin d’année. Le retour de l’Adami et de la Spedidam au Conseil d’Administration du Bureau Export sera déterminant pour y parvenir. Le meilleur signal que l’on puisse envoyer au Gouvernement est de montrer l’exemple et c’est l’état d’esprit qui prime au sein de la filière. Il convient pour autant de rappeler que les professionnels de la musique doivent apporter une somme au minimum égale à celle qui est demandée… Et l’on sait désormais qu’investir sur de futurs champions de l’export est très couteux. On parle là de sommes qui frôlent voire dépassent le demi million d’euros. En ce sens, la filière est clairement motrice.

« Le Bureau Export est l’embryon de la Maison commune de la Musique »

En quoi la hausse des moyens du Bureau Export permettra de consolider l’export de la musique made in France ?

Les productions françaises prennent du poids sur la scène internationale avec des répertoires chantés en anglais comme en français. Nous avons véritablement créé une dynamique au sein du Bureau Export et avec les partenaires professionnels et institutionnels. Les artistes sont plus « export ready » qu’auparavant, prêts à s’engager pour conquérir un nouveau public à l’étranger. L’enjeu est de continuer à renforcer les programmes d’aide. Le dispositif  ‘export 1’ est doté de 400 000 euros pour 300 projets et ce n’est pas assez structurant. Pour répondre aux besoins de nos adhérents, il devrait être de 1,5 millions d’euros avec une moyenne de 5 000 euros par projet et un plafond à 10 000 euros. Nous avons également besoin de 600 000 euros pour porter le programme ‘export 2’ à 1,2 millions d’euros. Le Bureau Export compte plus de 80 adhérents dans le secteur des musiques classiques, pour un fonds de seulement 150 000 euros… Enfin, il faudrait aussi porter le programme consacré au jazz actuellement de 50 000 à 150 000 euros. Nous vivons un moment clé pour l’export de la musique française. La filière musicale doit absolument prendre des positions sur les marchés déterminants, comme les Etats-Unis pour les musiques actuelles et la Chine pour les musiques classiques. Notre priorité est de renforcer notre présence sur le marché américain qui compte trois villes absolument prioritaires : New York, Los Angeles et Nashville qui est très importante pour les éditeurs notamment. Si nous ne le faisons pas, d’autres comme les professionnels des pays scandinaves le feront.

Le caractère vertueux du Bureau Export, du Fonds pour la Création Musicale (FCM) et du Centre National des Variétés sont pris en exemple par les acteurs de la filière qui plébiscitent la Maison commune de la musique. La place de l’international est particulièrement souhaitée notamment par les producteurs de spectacle représentés par le Prodiss. Avez-vous une position et des attentes particulières ?

Je pense profondément que le Bureau Export est l’embryon de la Maison commune de la musique. L’abandon du précédent projet d’un Centre National de la Musique a été une grande déception. Je pense qu’on a tout à gagner à se rapprocher. Le Bureau Export se portera encore mieux s’il fait partie d’un grand ensemble. En revanche, il faut qu’on garde notre agilité et notre souplesse. Nous nous devons de conserver la proximité avec les adhérents qui fait l’efficacité du Bureau Export et d’être très réactifs. Le Bureau Export propose cercle vertueux au sein duquel les professionnels ne sont pas en compétition. La volonté d’une vraie ambition en vue du rayonnement de la musique française à l’international étant un point de convergence de l’ensemble des acteurs de la filière.

 

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