La liberté de création invoquée dans le recours au décret sur les niveaux sonores

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Le recours à l’encontre du décret sur les niveaux sonores, formulé le 9 octobre dernier par la Chambre Syndicale des Cabarets Artistiques et Discothèques (CSCAD), a bousculé l’actualité du secteur du spectacle. Le dossier sera attentivement suivi par les professionnels, institutions et équipes des ministères de la Santé et de la Culture entre autres. La requête déposée au Conseil d’Etat a d’ores-et-déjà le mérite de rétablir la connexion entre gestion sonore et diffusion de la création.

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Les Ministères, les organisations professionnelles et maintenant le Conseil d’Etat sont à l’épreuve de faire converger la gestion sonore avec les intérêts des entrepreneurs du spectacle. Le recours formulé par la CSCAD en vue d’une annulation du décret relatif aux niveaux sonores ne vient pas leur faciliter la tâche. La CSCAD agit notamment au nom d’une « atteinte injustifiée à la liberté du commerce et de l’industrie ». Elle redoute notamment que le décret ait des répercussions sur l’activité économique des clubs. Mais en parallèle de ce fondement, c’est un véritable débat de fond qui est posé par la contestation du décret, celui d’une éventuelle atteinte à la liberté de création occasionnée par l’abaissement des niveaux sonores. La CSCAD et ses alliés estiment que l’application des mesures instaurées par le décret sur les niveaux sonores, en limitant la diffusion de certaines œuvres, nuisse in fine à la liberté de la création. D’après le contenu d’un document interne que CultureBiz a consulté, la CSCAD brandit une « violation de la liberté artistique » dans la requête déposée au Conseil d’Etat. Confronté de la jurisprudence qui va en ce sens, le Conseil d’Etat devra donc se prononcer sur la conformité du décret avec la liberté artistique et la liberté d’expression. « Le décret ne prend pas du tout en compte les modifications structurelles qui vont être imputées aux musiques et aux lieux de diffusion » commente Michel Pilot, Secrétaire Général de Surprize, société présidée par Aurélien Dubois, lui-même Président de la CSCAD, et qui organise le Weather Festival et exploite Concrete.

Entrave à la diffusion

La position de la CSCAD et de ses alliés repose sur les spécificités des musiques diffusées dans les clubs et les festivals, et ce de la création jusqu’à la diffusion. L’organisation, qui deviendra sous peu la Chambre Syndicale des Lieux Musicaux festifs et nocturnes (CSLM), considère que le son est une propriété même de l’ADN de ces musiques du fait qu’elles soient destinées à être diffusées dans un cadre festif (clubs, festivals, etc.). Le volume sonore serait donc pris en compte dès l’étape de la création de ces esthétiques musicales par les compositeurs, interprètes et musiciens. « Lorsque les créateurs sont en train de créer, ils imaginent tout un processus depuis la création jusqu’à la diffusion dans les clubs et festivals. Et le décret va modifier l’essence de l’œuvre, avec une obligation qui sera faite de diffuser sans laisser de possibilité à cette diffusion et à la perception d’être telles que les artistes les ont imaginées. C’est comme si l’on demandait à un orchestre de supprimer un instrument… » tranche Michel Pilot. La mise en application des mesures du décret « relatif à la prévention des risques liés au bruit et aux sons amplifiés » est donc considérée par la CSCAD comme pouvant entraver la diffusion de ces esthétiques musicales. Et ce alors même que les musiques électroniques notamment sont destinées à être diffusées en clubs. L’un des effets redoutés par certains professionnels pourrait être une certaine forme d’autocensure par les artistes dès l’étape de la création. C’est notamment le cas du Secrétaire Général de Surprize : « c’est comme on demandait à un artiste de créer une œuvre, en lui interdisant certains paramètres. On serait non plus dans la création d’une œuvre mais sur une commande d’une œuvre. Cela vient profondément modifier la création ». Autant d’arguments sur lesquels s’appuie la CSCAD pour faire valoir une atteinte à la liberté d’expression et une atteinte à la liberté artistique. Des principes qui avaient été consacrés l’an dernier avec la promulgation de la loi « Liberté de création ».

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