Le secteur de la musique lourdement impacté par la crise sanitaire et économique

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Une épreuve sans précédent pour le secteur de la Culture et notamment celui de la musique. Les mesures de restriction successivement annoncées par le Gouvernement provoquent des annulations en cascade de concerts, de tournées, de festivals, d’évènements réunissant les acteurs de la filière, et court-circuitent les mouvements et habitudes des professionnels et des consommateurs. La situation s’aggrave. L’activité des entreprises, associations, salariés, intermittents, prestataires de services, est directement et durablement touchée. Tour d’horizon des enjeux de la crise sanitaire sur le secteur de la musique, entre répercussions immédiates, imminentes et à venir.

La montée en puissance de la crise sanitaire et économique porte un coup d’arrêt à l’industrie musicale. La musique live a rejoint les premiers secteurs impactés dès la fin du mois de février avec l’interdiction des rassemblements en milieu confiné de plus de 5 000 personnes, actée le 4 mars. Une annonce suivie par les premières annulations de concerts dans les grandes salles comme l’AccorHotels Arena. Environ une centaine de salles ont une jauge supérieure à 5 000 personnes sur l’ensemble du territoire. Rapidement, le PRODISS, syndicat national du spectacle vivant musical et de variété, a alerté sur les effets directs des mesures vis-à-vis de « centaines de salles et de milliers d’évènements » dans un communiqué sollicitant une concertation avec les Ministères de la Culture et de la Santé. Lors d’une réunion d’urgence le 1er mars avec les professionnels, Franck Riester a évoqué l’impact des premières mesures sur le secteur, et s’est évertué à rassurer les producteurs, diffuseurs et organisateurs de festivals. Le Centre National de la Musique a rapidement articulé ses priorités autour de la crise, avec de la collecte de données sur les impacts de la crise sur le secteur, de l’information quant aux bonnes pratiques et de la coordination avec le Ministère de la Culture pour venir en soutien aux structures. Mais la gravité de la situation sanitaire en a rapidement accentué les répercussions sur l’économie de la musique live.

Le secteur du live à nouveau fragilisé

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Le 6 mars, le PRODISS précise dans un communiqué que « 90% des spectacles touchés sont ceux de ses membres ». L’annulation d’un certain nombre de concerts et tournées prévus en mars et avril, et l’incertitude qui plane sur les autres évènements engendrent des problématiques en matière de finances, d’emploi et d’assurance pour les structures. Resserrée autour de 1 000 personnes depuis le 8 mars, l’interdiction des rassemblements prononcée par le Ministre de la Santé Olivier Véran a évidemment décuplé les annulations. Les derniers jours ont été rythmés par les annonces de report et d’annulation de concerts, festivals et évènements. Et l’inquiétude des professionnels s’est depuis généralisée et accentuée. « Nombre de nos producteurs, petites entreprises ou grands groupes, se reposent sur quelques spectacles de grande capacité avec des têtes d’affiche pour dégager des fonds à investir dans le développement d’artistes émergents. Ces entreprises sont d’autant plus fragiles qu’elles sont impactées depuis 5 ans par les conséquences de chocs exogènes : attentats de 2015, gilets jaunes, grèves » souligne le PRODISS. Le premier syndicat d’employeurs du secteur du spectacle a dès lors sollicité la mise en place d’un « dispositif de soutien économique financier à trois mois » auprès du Ministre de l’Économie. Il faut dire que la baisse des ventes de billets est estimée à 50% par rapport à l’an dernier. Avec un manque à gagner de plusieurs dizaines voire centaines de millions d’euros. Le SNES, Syndicat national des entrepreneurs de spectacles, a de son côté demandé la création d’un fonds d’urgence pour soutenir l’activité du secteur.

Des mesures de soutien adaptées demandées par la filière musicale

Au Gouvernement, Bruno Lemaire a annoncé des mesures pour aider les entreprises dont le report des cotisations sociales et des impôts, le renforcement du chômage partiel ou encore la mobilisation de BPI France. Des mesures jugées insuffisantes pour les secteurs du spectacle, du tourisme et de l’évènementiel par le Président du MEDEF. Sur Twitter, Geoffroy Roux de Bézieux a estimé qu’il faudrait « exonérer les entreprises faisant face à une baisse de leur chiffre d’affaires » et rehausser l’intervention de BPI France. Le secteur de la musique live rencontre aussi des difficultés à l’échelle internationale. L’interdiction d’entrée sur le territoire américain des personnes en provenance des pays européens à compter du 13 mars a provoqué l’annulation des concerts d’artistes français et prévus outre-Atlantique. D’après les données de France Rocks, l’agence accompagnant le Bureau Export aux États-Unis, une trentaine d’artistes français avaient des concerts prévus dans les prochaines semaines. Le nombre de concerts d’artistes français prévus à l’étranger et annulés n’a pas été communiqué par le Bureau Export. En France, la filière musicale insiste sur le fait que « l’interdiction des rassemblements de plus de 1 000 personnes porte un coup de frein extrêmement brutal à nos activités, à l’aube de la période la plus dynamique sur tous les territoires ». Tous pour la musique fait écho à la demande du PRODISS, appelant de ses vœux la mise en place d’une aide exceptionnelle « pour les professionnels du spectacle vivant dont les revenus et les emplois sont lourdement menacés ». Parmi les mesures plébiscitées émergent en tête le renforcement du soutien aux entreprises, l’indemnisation des salariés et l’assouplissement des conditions d’indemnisation des intermittents. Des inquiétudes entendues par le Gouvernement. Dans son allocution du 12 mars, le Président de la République a mentionné la Culture parmi les secteurs pleinement impactés par la crise sanitaire et économique. Emmanuel Macron a déclaré que « tout sera mis en œuvre pour protéger entreprises et salariés », avec notamment « un plan de relance national et européen est à venir pour les entreprises ». Mais les mesures concrètes pour le secteur se font attendre malgré la mobilisation du CNM et l’engagement de son Président Jean-Philippe Thiellay. Le confinement du Ministre de la Culture depuis le 10 mars n’a sans doute pas facilité les choses, bien que Franck Riester ait assuré travailler en lien étroit avec son cabinet et son Ministère.

Coup d’arrêt pour l’industrie musicale

L’accélération de la crise sanitaire a fait basculer tout le secteur de la musique dans la crise frappant l’ensemble de l’économie française, européenne, et mondiale. Le 12 mars, les bourses européennes enregistraient des baisses historiques avec -12,28% pour Paris. La chute des marchés financiers a évidemment affecté les groupes liés au secteur de la musique avec en France -12% pour Vivendi (Universal Music Group), -6% pour NRJ, ou -15% pour Lagardère (Lagardère Live Entertainment). Aux États-Unis, l’action de Live Nation a chuté de 13,83%, celle de Spotify de 5,98%, et celle de Apple de 9,88%. L’interdiction des rassemblements de plus de 100 personnes le 13 mars a fait office de catalyseur. L’annulation du Printemps de Bourges qui devait ouvrir la saison des festivals le 21 avril, est un symbole fort des dommages imminents et à venir dans le secteur de la musique. D’autres évènements professionnels ont été annulés à l’instar du MIPTV prévu du 29 mars au 2 avril, de Musicora (le rendez-vous des musiques classiques), ou le colloque annuel de la SPEDIDAM. La 10ème édition du Disquaire Day prévue le 18 avril a été reportée, de même que les Prix de la Création musicale organisés par la CSDEM. Le Midem, marché international de la musique prévu du 2 au 5 juin est d’office incertain. Autant d’annulations et d’incertitudes qui impactent l’ensemble du business.  Et depuis le 14 mars, elles sont combinées à la fermeture des lieux dits « non essentiels » qui concerne évidemment tous les lieux de diffusion de la musique (salles de concerts, clubs, etc.). Le Ministre de la Culture a confirmé que des dispositifs d’urgence pour les professionnels du spectacle étaient à l’étude. En attendant, le CNM a outre les priorités précitées rappelé que l’IFCIC pouvait intervenir en renfort aux entreprises. Le coup d’arrêt porté par la crise sanitaire à l’économie s’étend jusqu’à l’industrie de la musique. Les mesures de restriction des déplacements et des contacts sont évidemment appliquées par l’ensemble des structures du secteur. Les organismes de gestion collective (Sacem, SCPP, SPPF, Adami, SPEDIDAM) veillent à assurer la continuité de leurs services à distance. Le secteur de la musique enregistrée n’est pas épargné. La fermeture des commerces englobant évidemment les Fnac, Cultura et disquaires indépendants impactera les ventes d’albums au format physique, qui représentaient 37% du marché en 2019 et des revenus à hauteur de 230 millions d’euros. Le calendrier des sorties d’albums et de morceaux prévues d’ici l’été devrait logiquement être chamboulé. Les premiers reports de sorties d’albums commencent à être annoncés. L’impact sur la consommation de la musique sur les plateformes de streaming et sur les souscriptions d’abonnement est en revanche incertain. Le SNEP et les plateformes n’ont pas communiqué sur le sujet. Ce qui est certain, c’est que l’engouement habituel autour des sorties d’albums sera affecté par l’actualité qui monopolise l’attention et les sujets de discussions sur les réseaux sociaux depuis début mars. L’impact d’au moins deux semaines de confinement sur les ventes d’albums en physique pourrait être sans commune mesure avec les manifestations et les grèves qui ont contre toute attente eu des répercussions limitées. Les attentes des professionnels sont plus fortes que jamais vis-à-vis du Gouvernement. Reste à savoir si l’action du Gouvernement sera à la hauteur des risques et enjeux engendrés par une crise économique sans précédents sur le secteur de la musique, encore et toujours à rude épreuve.

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