Le crédit d’impôt, source de la vitalité de la production made in France et de la croissance du marché

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Le caractère très concurrentiel du paysage de la musique, l’éclatement de la production ou encore la scission du marché entre physique et streaming sont des paramètres qui s’accompagnent d’effets vertueux pour le secteur. L’abondance de l’offre, la diversité des genres et des artistes, ainsi que la multiplicité de la demande et la valeur ajoutée des nouvelles habitudes de consommation émergent en tête de liste. Le développement d’artistes et les investissements effectués par les producteurs sont parmi les facteurs à la racine de la dynamique du secteur. Un engagement commun aux producteurs du fait du dispositif incitatif du crédit d’impôt à la production phonographique. 

La vitalité de la production made in France a clairement été impulsée avec la mise en place et la consolidation du crédit d’impôt dédié. C’est ce que confirme l’étude du cabinet XERFI commandée par le Syndicat National de l’Edition Phonographique (SNEP) et l’Union des Producteurs Français Indépendants (UPFI), avec de nombreux chiffres à l’appui. Les producteurs disposent d’un certain nombre d’arguments pour valoriser les effets vertueux du dispositif. Les données qui composent cette étude, que CULTUREBIZ a pu consulter, sont on ne peut plus objectives puisque récoltées auprès de la DGMIC et d’un panel de 17 producteurs. Une exigence de rigueur pour répondre au besoin des pouvoirs publics de disposer du plus grand nombre d’éléments pertinents et probants. Plusieurs chiffres dans l’étude sont explicites et viennent conforter le caractère central du crédit d’impôt à la production phonographique pour le secteur. A commencer par le nombre de sociétés bénéficiaires du dispositif, qui a presque été multiplié par 5 en passant de 28 à 110 entre 2006 et 2016. Comme chacun le sait, la mise en place du crédit d’impôt était intervenue pour soutenir la profession et plus globalement l’ensemble du secteur nettement affaibli par le piratage entre autres. Une dizaine d’années après son arrivée dans l’écosystème, les producteurs s’accordent sur le fait que le dispositif a été précieux pour la pérennité et le développement de leurs entreprises. «  Cet accompagnement est devenu un outil structurant et essentiel pour favoriser la diversité musicale francophone et accompagner la reprise du marché de la musique enregistrée  » commente Guillaume Leblanc, Directeur Général du SNEP, le syndicat des trois majors (Universal, Sony, Warner) entre autres. Le bilan est le même pour les producteurs indépendants de l’UPFI d’après Jérôme Roger : «  En 11 ans, le crédit d’impôt phono a atteint ses objectifs. Il a évité un effondrement de la production locale frappée de plein fouet par la crise du disque. Il a constitué un ballon d’oxygène pour les TPE et PME qui représentent près de 85% des projets des nouveaux talents et 2/3 des montants  ». La diversité et le renouvellement des talents ont également été encouragés par le crédit d’impôt. Le nombre d’agréments définitifs oscille entre 350 et 400 depuis 2012. Et d’après la moyenne effectuée par Xerfi sur la base des données fournis par les dix-sept labels composant le panel de l’étude, la moyenne de projets ayant bénéficié du crédit d’impôt serait autour de 500. Tandis que les projets aidés enregistreraient une moyenne de 12  000 ventes d’albums, de quoi confirmer la nécessité de soutenir la production de jeunes talents. 

Investissements 

Les leviers du crédit d’impôt se sont opérés sur le plan des investissements financiers et des ressources humaines. La courbe des investissements des labels et maisons de disques a enregistré une hausse importante. Les investissements sur le seul segment Artists & Repertoire (A&R) représentaient en 2015 une part de 16,9%. D’après le cabinet Xerfi, c’est davantage que dans les industries pharmaceutiques ou la tech. Près de 2/3 des sociétés de production interrogées ont confirmé l’impact sur l’emploi avec à la clé la création et le maintien de plusieurs postes. Les investissements engagés sur les nouveaux talents comme sur la diversification des investissements sur d’autres artistes non-éligibles, du fait de l’appel d’air du crédit d’impôt, constituent  les premières conséquences directes du point de vue des 2/3 des producteurs. Le volume des productions en France le confirme d’ailleurs avec une augmentation de 14,4% entre 2010 et 2016 pour franchir la barre des 30  000 phonogrammes. Avec pour résultats de nombreux succès sur les premières productions, les artistes Louane, Kendji, Maitre Gims, Christine and the Queens, Jul, ou Nekfeu entre autres, dont les premiers albums se sont vendus à plus de 100 000 exemplaires, s’étant imposés parmi les têtes d’affiche dans le paysage musical ces dernières années. Au total, ce ne sont pas moins de 34 artistes qui ont vendus plus de 100  000 exemplaires pour leur premier album entre 2007 et 2016. Et cette création de valeur pour le secteur s’accompagne d’autres retombées connexes en matière de spectacle ou encore d’export, indirectement liée à crédit d’impôt. D’où les effets d’ «  entrainement pour l’ensemble de la filière musicale  » mentionnés parmi les conséquences favorables listées par le cabinet Xerfi.

25 millions d’euros de recettes pour l’État

Globalement, le montant total du crédit d’impôt a été multiplié par 4 en dix ans, pour atteindre les 9,3 millions d’euros en 2016. Une augmentation qui confirme la hausse des investissements financiers des entreprises de production musicale. Outre les multiples effets vertueux pour tout le secteur sur lesquels les producteurs mettent l’accent lors de leurs prises de parole publiques, et qui sont confirmés en tous points par l’étude, le crédit d’impôt à la production phonographique a un avantage considérable pour l’Etat. Il rapporte plus qu’il ne coûte. L’étude du cabinet Xerfi réalisée notamment à partir des données de la DGMIC (Ministère de la Culture) est très claire à ce propos. Le crédit d’impôt dédié à la production phonographique est «  un dispositif rentable pour l’Etat avec d’importantes recettes fiscales et sociales  ». Dès le début de l’année, les producteurs avaient soulignés lors de la présentation du bilan 2017 du marché de la musique enregistrée ce ratio qu’1 euro dépensé par l’Etat rapporte 3 euros en recettes fiscales. L’étude révèle que les 9,3 millions d’euros de dépenses afférant au crédit d’impôt ont permis aux entreprises de production françaises de développer leur activité, ce qui a eu pour effet d’impacter de dynamiser le marché de la musique enregistrée, et surtout, de générer près de 25 millions d’euros de recettes pour l’Etat. Dans le détail, les recettes fiscales engendrées par la ventes des albums en physique et en numérique ont rapporté près de 20 millions d’euros. S’y ajoutent des recettes sociales dues aux cotisations patronales et salariales à hauteur de 14,5 millions. Globalement, le ratio entre les coûts et les recettes pour l’Etat s’établit à 2,7.

Pérennisation

2018 est une année de mise à l’épreuve pour le crédit d’impôt dédié à la production phonographique. L’an dernier, les parlementaires en Commissions des finances n’ont prolongé le dispositif afférent au secteur de la musique enregistrée que d’un an, précisément dans l’optique de l’évaluation de tous les crédits d’impôt dont bénéficient les industries de la Culture. Ils statueront donc sur la pérennisation de crédits d’impôt dédiés à la production phonographique et à la production de spectacles dans le cadre du projet de loi de finances 2019. Un agenda perçu comme une entrave à la visibilité des entreprises de production, indispensable du point de vue des producteurs.  «  Wagram Music embauche une centaine de personnes et le crédit d’impôt est un paramètre structurant pour notre activité. Le cycle d’investissement dans des emplois, en particulier dans des CDI et dans du développement d’artistes, c’est aussi à moyen ou long terme. Il n’est pas normal qu’une mesure aussi structurante ayant une visibilité aussi réduite  » explique Stephan Bourdoiseau, Président du label. Par le biais de l’étude réalisée par le cabinet Xerfi, ces derniers souhaitent étoffer les données et informations démontrant la pertinence du crédit d’impôt. D’autres études seront également réalisées par des cabinets distincts pour le compte du Ministère de la Culture et des parlementaires. Ce qui est certain, c’est que le caractère rentable pour l’Etat du crédit d’impôt dédié à la production phonographique, qui devrait être confirmé par les autres études, constitue d’ores-et-déjà une garantie quant à la pérennité du dispositif pour le secteur. Certains parlementaires ont confié à CULTUREBIZ être confiants à ce sujet. Lors d’une récente prise de parole devant les acteurs de la filière musicale, Françoise Nyssen s’est également engagée à défendre le crédit d’impôt phonographique et spectacle pour qu’ils soient prolongés. Mais les producteurs de phonogrammes ont d’autres objectifs en vue. A commencer par la pérennité du dispositif. «  Savoir que l’on doit batailler tous les trois ans pour obtenir sa prolongation est très stressant pour l’ensemble des producteurs  » justifie Jérôme Roger, Directeur Général de l’UPFI. Le syndicat qui rassemble les principaux labels indépendants dont Wagram, Because, [PIAS], Tôt ou tard ou encore AllPoints, et le syndicat des maisons de disques ont le même objectif de parvenir à obtenir des garanties pour le crédit d’impôt sur le long terme. «  Puisque cet outil est vertueux tant pour notre écosystème que pour les finances publiques alors il doit être renforcé »  insiste Guillaume Leblanc. Les producteurs n’ont pas encore formulé de demandes précises mais deux orientations sont d’ores-et-déjà privilégiées, celle de demander la consolidation du crédit d’impôt en un dispositif à durée indéterminée, ou à défaut, d’obtenir sa prolongation sur une durée supérieure à trois ans.

 

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