L’absence d’ambitions des candidats à la présidentielle pour le spectacle vivant

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Les représentants des candidats à l’élection présidentielle sont venus les poches vides au Forum du SNES. La thématique du rendez-vous annuel, « quelles ambitions pour le spectacle vivant ?», très large et peu engageante, les a conforté à ne pas être exhaustifs quant à leur programme pour le spectacle et la Culture. Les acteurs sont repartis avec les mêmes interrogations et incertitudes.

Les candidats ont à l’égard des industries de la Culture plus de mots que de chiffres. La quasi-absence d’objectifs et de chiffres pour le spectacle vivant définis pour le début ou la fin du prochain quinquennat est notable. Une approximation qui  n’est pas une surprise, la Culture étant davantage englobée dans les programmes respectifs des candidats à la présidentielle qu’elle n’est distinguée avec une ligne directrice et une politique dédiées. Les principaux candidats représentés ont lors des rendez-vous professionnels, à l’exception de Marine Le Pen, confirmé leur intention de maintenir le budget de la Culture à 1% du PIB. Ce point de convergence est d’ailleurs révélateur de l’approche des candidats à l’élection présidentielle. Pour la Culture, il n’est question que de maintien et non d’augmentation.

Réorganisation des institutions

Les programmes respectifs des candidats s’axent davantage sur la réorganisation des institutions et la pérennisation des dispositifs existants que sur l’octroi de moyens supplémentaires. Ce qui s’explique notamment par le fait que les secteurs et activités de la Culture soient avant tout considérés pour leur impact sur le plan social plutôt que pour leur contribution au sein de l’économie. La Culture est considérée comme étant indissociable de l’Education pour plusieurs candidats. Des synergies entre les deux Ministères sont à prévoir, a priori quel que soit le prochain Gouvernement. Emmanuel Macron encouragerait un rapprochement tout en préservant l’entièreté et l’indépendance de la rue de Valois. Il serait d’ailleurs favorable à ce que l’Institut Français, sous-estimé  au sein du Ministère des Affaires étrangères, soit entièrement annexé au Ministère de la Culture. En parallèle, Benoît Hamon envisagerait d’élargir le champ du Ministère de la Culture en y associant les médias et « le temps libre ». Le candidat du PS souhaite développer de multiples politiques transversales entre le Ministère de la Culture et celui de l’Education mais il n’est pas question d’une fusion entre les deux. Cela se concrétiserait notamment par la création d’une agence nationale pour l’éducation artistique et culturelle. L’une des priorités de Benoît Hamon étant de renouer des liens entre l’Etat et les collectivités territoriales par le biais de politiques transversales.

Les demandes entrepreneurs du spectacle sans réponse

Le spectacle vivant est à l’instar de la musique en quête d’un engagement à tous niveaux, du Ministère de la Culture jusqu’aux collectivités locales. Le secteur est unanime quant au caractère indispensable de moyens financiers qui doivent être alloués à cet effet. En France, le spectacle vivant est rythmé par 10 900 entreprises, et ce sont 111 000 salariés en CDI, CDD et CDD d’usage qui sont employés, le tout pour une masse salariale de 522 millions d’euros. D’après Philippe Chapelon, Délégué Général du SNES, « les entreprises du secteur privé proposent des milliers de spectacles et rassemblent plus de 30 millions de spectateurs en France et dans le monde ». Les entrepreneurs du spectacle vivant ont donc face aux représentants des candidats réclamé des moyens adéquats pour accompagner le secteur, avec d’emblée la mise en place d’une Direction dédiée aux entreprises privées. La création de ce bureau au sein du Ministère de la Culture leur permettrait d’être un interlocuteur mieux écouté par les pouvoirs publics. De sorte à voir le « crédit d’impôt spectacle » être consolidé, mais aussi à ce que la création d’un « crédit d’impôt théâtre » se concrétise. Les entrepreneurs du secteur ont également renouvelé leur souhait que leur activité soit mieux reconnue et étendue avec l’octroi un droit du producteur avec notamment la possibilité d’une captation des spectacles. L’accompagnement en matière de numérique est donc particulièrement plébiscité par les entrepreneurs du spectacle, par le biais d’un développement des aides à la captation. Du côté des théâtres privés, l’on réclame que les dotations de l’Etat à l’ASTP soient doublées pour s’élever à 7 millions d’euros, de sorte à pérenniser un système « à bout de souffle et qui maintient la moitié des théâtres ». Autant de demandes auxquelles les représentants des candidats à la présidentielle n’ont pas répondu directement, n’évoquant pas de mesures ou d’orientations visant à y répondre.

Stagnation

Aucun engagement ou presque n’a été pris, ni pour les entrepreneurs du spectacle, ni pour le secteur dans sa globalité. Les représentants des candidats n’ont pas non plus saisi l’occasion pour se prononcer quant aux propositions du Prodiss, syndicat national des producteurs, diffuseurs, salles et festivals, formulées il y a quelques jours. Le maintien semble être le seul mot d’ordre des candidats à l’élection présidentielle. Maintien du budget de la Culture, maintien du régime de l’intermittence, maintien de la parité au sein des Commissions des organismes rattachés au Ministère, maintien des investissements dans la création, maintien du déplafonnement du CNV, maintien de la défense du droit d’auteur à Bruxelles. Or, c’est une nette augmentation des moyens qui lui sont attribués qui est plébiscitée par les acteurs du spectacle. A commencer par les sommes générées par la taxe sur les billets abondant le CNV, déjà rehaussés de 33 à 50 millions dans le projet de loi de finances 2017. A ce propos, François Fillon pourrait réfléchir à ce que le plafonnement soit repoussé s’il venait à être atteint, mais un éventuel déplafonnement n’est pas envisagé. A contrario Benoît Hamon pourrait pencher en faveur de la suppression du plafond, Patrick Bloche s’étant déclaré pour au forum du SNES. Les deux candidats de la gauche et de la droite se positionnement également à contre-courant sur le dossier des intermittents du spectacle. Il n’est pas garanti le maintien des 90 millions d’euros qui avaient été attribués par Manuel Valls par François Fillon, alors que Benoît Hamon aurait pour projet de pérenniser des conditions financières favorables. En tout état de cause, les acteurs du spectacle et de la musique dressent un bilan particulièrement décevant du quinquennat qui s’achève. Que le prochain Gouvernement s’apprête davantage à préserver les acquis qu’à renforcer les engagements de l’Etat, à développer de nouvelles politiques de soutien et à les sanctuariser n’est pas de bon augure.

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