La réponse aux urgences priorisée à un plan de relance pour l’économie de la musique

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Le secteur de la musique peine à se faire une place parmi les nombreux secteurs de l’économie qui sollicitent, et obtiennent, soutien et accompagnement de l’État. La contribution de la musique à l’économie du pays et des territoires, au rayonnement de la France à l’étranger, et l’appétence des français pour les répertoires francophones ne devraient pourtant plus être à démontrer. Les dernières annonces d’Édouard Philippe ont confirmé ce que les déclarations d’Emmanuel Macron et les précisions de Franck Riester avaient présagé. A l’heure actuelle, le Gouvernement ne dispose pas d’une stratégie claire et globale pour le secteur de la musique. L’heure est au régalien, à l’urgence, et aux secteurs économiques majeurs. De quoi alimenter les appréhensions, réticences et attentes des professionnels vis-à-vis du Gouvernement, des pouvoirs publics, des collectivités et des organisations de la filière.

L’itinéraire de sortie de crise est sans surprise plus sinueux pour le secteur de la musique que pour d’autres. Plusieurs des principaux acteurs de la filière se sont dès le départ mobilisés pour accompagner les professionnels, les artistes et les structures. A commencer par le Centre National de la Musique, qui déploie actuellement le volet 2 de son plan de secours dédié aux structures du spectacle. L’élargissement du dispositif a été voté par le Conseil d’Administration le 15 mai, avec l’objectif de s’adapter à l’allongement de la période d’inactivité du secteur. L’octroi des aides, dont le plafond est rehaussé de 8 500 à 35 000 euros, est validé selon « une appréciation prévisionnelle globale de la situation financière des demandeurs » précise le CNM. Les collectivités territoriales peuvent désormais contribuer au fonds, comme l’ont fait trois organismes de gestion collective (Sacem, Spedidam et Adami) pour un total de 1,5 M€. Quelques-unes devraient rapidement annoncer leur participation. Toujours du côté des régions, certaines ont annoncé des dispositifs pour soutenir le secteur de la musique, à l’instar de la Région Île-de-France avec un fonds d’aide d’urgence de 10 millions d’euros, ou encore de la Région Bretagne avec le maintien des aides versées et attribuées. En complément, la création d’un fonds de secours dédié aux structures de la musique enregistrée a été validée par le CA du CNM pour un montant d’1 million d’euro financé par la DGMIC (Ministère de la Culture). L’aide pour les TPE du secteur de la musique enregistrée est plafonnée à 10 000 euros pour les producteurs, à 35 000 euros pour les distributeurs et à 1 500 euros pour les disquaires. Autant de dispositifs et de mesures qui ne suffisent néanmoins pas à répondre aux attentes majeures des acteurs de la filière musicale.

50 MILLIONS D’EUROS POUR LE CENTRE NATIONAL DE LA MUSIQUE

L’attribution d’une enveloppe de 50 millions d’euros au Centre National de la Musique faite par le Président de la République est la grande annonce en faveur du secteur. Une annonce saluée par le Président du CNM, Jean-Philippe Thiellay : « la dotation de 50M€ permettra au CNM de renforcer le soutien aux professionnels dans cette crise sans précédent et nous allons continuer à travailler en concertation permanente avec les professionnels pour définir la meilleure destination pour ces moyens nouveaux en faveur de la musique ». Une concertation avec les acteurs de la filière permettra donc de trancher sur la ventilation de ces moyens nouveaux d’ici le début de l’été. D’autres annonces du Gouvernement ont été faites avec la prolongation des droits des intermittents du spectacle jusqu’en août 2021 ou encore la création d’un fonds dédié aux festivals. Mais le secteur de la musique ne bénéficie toujours pas d’un plan de relance contrairement à d’autres secteurs plus ou moins proches comme le tourisme. D’ailleurs, le Plan de secours au secteur touristique comprend un ensemble de mesures ouvertes aux « entreprises de l’évènementiel culturel ». Il s’agit notamment de la prolongation du Fonds de solidarité jusqu’en décembre 2020 avec des conditions assouplies, de l’exonération de cotisations sociales pour les TPE et PME au moins entre mars et juin. Un certain nombre de structures dans le secteur de la musique en ont bénéficié, puisque selon les données du Ministère de l’Économie actualisées au 2 juin, plus de 154 millions d’euros ont été versés aux structures référencées auprès de l’INSEE sous le code NAF « arts et spectacles ». Reste à savoir si et dans quelles mesures les structures du secteur de la musique pourront bénéficier d’autres dispositifs comme les investissements de la BPI et de la Caisse des dépôts ou encore le report des échéances de crédits.

REOUVERTURE DES SALLES DE SPECTACLES SOUS CONDITIONS

L’absence de visibilité pour les structures, les professionnels et les créateurs est un constat qui fait consensus. Les producteurs, diffuseurs, exploitants de salles et organisateurs de festivals membres du PRODISS, premier syndicat d’employeurs du secteur du spectacle, réclament le maintien du chômage partiel jusqu’en août 2021 ainsi qu’un accompagnement à hauteur de 250 millions d’euros en plus de la réouverture des salles sans distanciation. Dans le secteur de la musique enregistrée, les pertes engendrées par la période de confinement sont estimées à 50 millions d’euros. D’après le SNEP, la baisse des revenus du marché de la musique enregistrée est évaluée à environ 20% pour l’année 2020. La reprise progressive de la vie culturelle figure parmi les grands principes de la phase 2 du déconfinement qui a démarré le 2 juin. « Notre vie culturelle va pouvoir reprendre rapidement » a déclaré Édouard Philippe, avant d’annoncer la réouverture des salles de spectacles en zone verte, c’est-à-dire sur l’ensemble du territoire à l’exception de l’Île-de-France et de Mayotte. Cependant, seuls sont autorisés les spectacles de moins de 5 000 personnes, et ce, avec la possibilité pour les préfets d’abaisser cette jauge. Un plafond qui fait office de contrainte pour les concerts dans des salles de grande capacité (AccorHotels Arena, Zénith, Arkea Arena…), bien que leurs jauges soient modulables, et qui fait également planer un risque non des moindres pour les salles de jauges moyenne. D’après les dernières statistiques de la diffusion des spectacles publiées en 2018 par le CNM, en 2017, 486 spectacles payants tous genres confondus et avec une fréquentation supérieure à 6 000 personnes ont eu lieu, et 2 834 spectacles payants avec une fréquentation entre 1 500 et 6 000 personnes. Un arbitrage du Premier Ministre justifié par le fait que « Notre plus grand adversaire ce sont les grands rassemblements ». L’approche du Gouvernement vis-à-vis des professionnels de la musique live se fonde sur une logique de prudence et de confiance. La déclaration d’Édouard Philippe a été claire, les exploitants de salles devront proposer des règles sanitaires notamment en termes de distanciation et de capacité. « Les exploitants de lieux sont capables de déterminer les conditions d’organisation et de croisement des publics. S’ils en sont capables alors ils doivent le faire et si non alors il est préférable qu’ils n’ouvrent pas. C’est à eux que revient cette responsabilité » a tranché le Premier Ministre. Les clubs et les rassemblements de plus de 10 personnes restent interdits au moins jusqu’au 21 juin. De toute évidence, les professionnels de la musique live sont, eux, peu optimistes quant à la reprise de leurs activités à commencer par la réorganisation des concerts et tournées. Certaines sociétés de production qui avaient programmé leurs concerts à la rentrée les ont reportés en 2021. La période nécessaire pour commercialiser et promouvoir les concerts, la concurrence prévue à la rentrée ou encore la perte en pouvoir d’achat des consommateurs sont parmi les facteurs pris en compte par les producteurs. De plus en plus de professionnels estiment que malgré le déconfinement, la reprise normale des concerts n’interviendra pas avant la rentrée voire à l’automne. Les plus pessimistes se projettent directement sur la fin d’année et le début 2021. A moins qu’ils soient les plus pragmatiques.

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