La gestion des risques et les investissements, facteurs de sécurité et de sûreté des spectacles

6
minutes

Le contexte social et politique n’est pas sans répercussions sur le secteur de la musique. Les attentats de 2015 avaient durant plusieurs mois fragilisé la fréquentation des salles de spectacles et de certains festivals. Et la musique enregistrée n’est pas non plus exempte d’impacts engendrés par des évènements perturbant l’ordre social, le mouvement des gilets jaunes ayant entrainé une baisse des ventes d’albums dans les magasins et les enseignes spécialisées en fin d’année 2018, en plus d’avoir en parallèle nui à l’affluence dans les salles de spectacles. Confrontés à des risques constants, les professionnels du live et leurs partenaires s’adaptent aux exigences en matière de sécurité et de sûreté en faisant évoluer leurs pratiques pour répondre aux attentes des spectateurs et des pouvoirs publics.

Optimiser les conditions de sécurité et de sûreté est une condition sine qua none pour que l’organisation des spectacles soit en phase avec la réglementation, avec la responsabilité envers le public et pour préserver l’économie des évènements et des entreprises. Souvent confondues et pas toujours assimilées, les deux notions couvrent pourtant des périmètres distincts. Le guide « Gérer la sûreté et la sécurité des évènements et sites culturels » publié par le Ministère de l’Intérieur et le Ministère de la Culture en avril 2017 précise que dans le cadre de l’organisation et la gestion d’évènements, la sécurité englobe les « règles strictes et claires » poursuivant l’objectif de « prévenir et lutter contre les risques accidentels, naturels et technologiques induisant des dangers d’origine non-intentionnels ». En parallèle, la sûreté se caractérise par « l’application de mesures visant à prévenir et à lutter contre les actes délibérés, c’est-à-dire les actions volontaires d’atteinte aux personnes, aux biens et aux bâtiments ». Les organisateurs de spectacles doivent donc à la fois veiller à veiller à la sécurité des installations pour éviter les accidents et prendre des dispositions de sûreté pour éviter autant que faire se peut que des actions malveillantes puissent être commises. Et les risques qui y sont rattachés, certes dans d’autres secteurs comme le tourisme, confèrent au secteur du live une véritable spécificité dans la mesure où les concerts et festivals accueillent plusieurs milliers voire plusieurs dizaines de milliers de spectateurs sur une période de temps limitée.

Anticipation

L’anticipation des risques est une étape clé dans l’organisation des spectacles. Les moyens déployés par les producteurs de spectacles et les organisateurs de festivals visent précisément à tenir compte d’un maximum de risques pour les endiguer. En amont de l’organisation de l’évènement, ils travaillent notamment en étroite collaboration avec les compagnies d’assurance. Plusieurs entreprises se sont d’ailleurs spécialisées dans le secteur du spectacle et de l’entertainment pour garantir un accompagnement calibré pour la particularité des concerts et festivals. C’est le cas de la société Ovatio, que son Directeur commercial présente comme un « cabinet de courtage en assurance avec une spécialité dans les industries culturelles et créatives », et pour qui le spectacle constitue 60% de son portefeuille clients et de son chiffre d’affaires. « Nous faisons de la gestion en risques spéciaux. Les industries culturelles sont difficiles à comprendre et à maitriser pour les compagnies classiques. Ces activités sortent du cadre habituel avec un certain nombre de risques que nous qualifions d’éphémères et atypiques. Les risques d’hier ne sont pas forcément ceux d’aujourd’hui et encore moins ceux de demain. Nous faisons une cartographie de ces risques et pour les appréhender et en définir les impacts » précise Emmanuel Renouvin. Outre la protection des spectateurs, garantir la sécurité et la sûreté est indispensable pour la rentabilité la sécurité des concerts et festivals. Les risques d’ordre accidentel, météorologique ou malveillant font évidemment planer une menace de type économique et financier si l’évènement était annulé, interrompu, s’il ne pouvait plus avoir lieu à l’avenir, ou si des dommages sur les équipements étaient occasionnés. Pour en prémunir les producteurs de spectacles et organisateurs de festivals, les cabinets d’assurances proposent des contrats sur-mesure permettant de protéger le public, le matériel ou encore les équipements. Les contrats souscrits ont tout de même un socle commun composé des indispensables assurances « annulation », « responsabilité civile organisateur » et « tous risques matériels ». Globalement, un minimum de six ou sept risques est couvert par les contrats d’assurance souscrits. Ces dernières années, les risques d’attentats et d’intempéries se sont hissés en tête des plus élevés d’après les professionnels du métier. Néanmoins, la notion de risque est aussi revêtue d’un caractère imprévisible. Et c’est tout le travail des producteurs de live, des exploitants de salles et des organisateurs de festivals de faire en sorte que la sécurité et la sûreté soient optimales dans tous les cas de figure.

110 millions d’euros de surcoût pour la sûreté

Les organisations professionnelles s’accordent sur le constat que des efforts et investissements considérables ont été déployés sur les plans humain et financier en matière de sécurité et de sûreté depuis 2015. Un « diagnostic sûreté des lieux de spectacles en France », publié par Centre national de la chanson, des variétés et du jazz en novembre 2018, donne des indicateurs non des moindres de ces investissements. D’après cette enquête conjointe avec le Ministère de l’Intérieur, le Ministère de la Culture, le syndicat national du spectacle musical et de variété (PRODISS) et le syndicat des musiques actuelles (SMA) entre autres, les dépenses liées au poste de la sûreté sont passées de 186 à 296 millions d’euros entre 2015 et 2017 soit un surcoût de 110 millions d’euros. Une augmentation qui s’est poursuivie en 2018 avec un total de 311 millions d’euros de dépenses. Dans le détail, le personnel de sécurité est le premier poste de dépenses de sûreté avec 248 millions d’euros en 2018 et l’augmentation s’élève à 70 millions d’euros depuis 2015. Les dépenses liées à la sécurité et la sûreté représentent une charge non des moindres dans les budgets des festivals et des spectacles. Au point de fragiliser des entreprises qui réalisent peu de bénéfices et qui doivent en tout état de cause continuer à investir sur la création des spectacles pour développer des artistes et des carrières, sur les emplois pour maintenir et développer leur activité, et sur la sécurité et la sûreté pour répondre aux normes et aux exigences pour accueillir les spectateurs. Le « Fonds d’intervention pour la sécurité de sites et des manifestations culturels », mis en place par le Premier Ministre en mars dernier en remplacement du fonds d’urgence, et coordonné par le CNV avec deux comités d’instruction en 2019, constituera assurément un soutien essentiel pour les entreprises et globalement pour le secteur du spectacle.

Partager cet article