La HADOPI appelle de ses vœux une extension de son champ d’intervention

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Convaincre les ayants-droit et les pouvoirs publics de son utilité face aux challenges qui s’imposent aux industries de la Culture en matière de piratage. C’est l’ambition portée par la Haute Autorité pour la Diffusion des Œuvres et de la Protection des droits sur Internet, huit ans après sa création. La HADOPI émet dans cette optique une série de propositions pour intensifier la lutte contre le piratage et, au passage, renforcer ses missions.

L’orientation de la HADOPI pour démontrer sa capacité à se renouveler et à innover est binaire. En premier lieu sont proposés des ajustements réglementaires pour pallier aux entraves à l’exécution de certaines activités. « Nous avons rencontré des difficultés de mise en œuvre de certaines de nos missions, qu’il s’agisse de la labellisation des offres légales ou de la régulation des mesures techniques de protection » a précisé Christian Phéline, Président de la HADOPI, lors de la présentation du rapport d’activité de l’institution. Plus largement, la Haute Autorité veut être davantage engagée dans la lutte contre la consommation illicite des œuvres et contenus mais aussi dans le développement de l’offre légale. Ce qui va de pair avec l’octroi de pouvoirs supplémentaires, second axe majeur de ses demandes. « Nos propositions s’inscrivent dans la continuité de nos missions définies et que le législateur pourrait élargir au service de l’intérêt commun. Elles s’ordonnent sur des maitres mots, observer et alerter, promouvoir et accompagner, prévenir et combattre » a fait valoir Christian Phéline devant les membres de l’institution et les représentants des ayants-droit. Dans son dernier rapport, il est proposé entre autres que soient confiés à la Haute Autorité une compétence pour caractériser les sites malveillants, un suivi des chartes de bonnes pratiques, ou encore une possibilité d’intervenir face aux sites répliquant d’autres services illégaux. En parallèle, pour renforcer la qualité de l’offre légale, la HADOPI plébiscite des moyens renforcés pour identifier les entraves à son développement. Autant de mesures qui permettraient à la Haute Autorité, de « venir le plus utilement en appui et en partenariat pour des actions de défense des œuvres » d’après son Président, qui estime qu’en tant qu’ « institution indépendante qui s’élève au-dessus des intérêts », elle peut intervenir « avec crédibilité et autorité ».

Adaptation aux nouvelles pratiques illicites

La Haute Autorité de la Diffusion des Œuvres et pour la Protection des droits sur Internet souhaite apporter des réponses aux ayants-droit pour consolider l’offre légale de contenus culturels. Dans l’optique d’affirmer son caractère indispensable, c’est une véritable extension de son champ d’intervention qui est plébiscitée. « Le champ d’action de la HADOPI mérite d’être élargi au-delà de la musique et de l’audiovisuel » a plaidé son Président. Parmi les secteurs convoités, le livre numérique ou encore les droits sportifs, essentiels au modèle économique de la télévision payante dont les acteurs historiques (Canal Plus) mais également nouveaux (SFR) financent le cinéma français. La HADOPI veut également s’adapter à l’évolution du marché de la musique enregistrée qui va de pair avec l’évolution des habitudes de consommation sur le streaming. Christian Phéline l’a rappelé, l’ambition est « contribuer à la fermeture des plus grands sites de services illégaux et de renforcer tous les moyens d’effectivité de la fermeture des sites offrant du streaming illégal ». La HADOPI propose donc, pour être plus que jamais engagée dans la lutte contre les services malveillants, d’avoir la capacité de détecter les usages émergents parmi les pratiques illicites, d’analyser les modèles économiques des sites illicites, ainsi que le pouvoir d’intervenir pour une meilleure implication des intermédiaires. Une ambition limitée de par la restriction du champ d’intervention de la réponse graduée au peer-to-peer. Or le pair à pair, s’il reste répandu, cohabite maintenant avec le streaming illégal et le téléchargement à partir de plateformes d’écoute en ligne. Une différente entre les pratiques de consommation illicites qui nécessite réflexion. « Sur le streaming il faut prendre en compte la qualification juridique et pénale de l’acte individuel de consommation de streaming illégal. Caractériser un site comme étant illicite n’entraîne pas nécessairement l’écoute en ligne comme un acte de contrefaçon. Le fait qu’il n’y ait pas d’acte durable contrairement au téléchargement fait partie de la question. Cela nécessite une étude approfondie. Je ne me prononce mais ça ne permet pas une assimilation au pair à pair » analyse Christian Phéline. Et la HADOPI s’est d’ores-et-déjà montrée à disposition des ayants-droit, des plateformes et des pouvoirs publics pour contribuer à la mise en place de dispositifs pour enrayer les nouvelles pratiques illicites. Le tout en prenant soin de préciser qu’il ne s’agit pas d’empiéter sur le champ d’intervention des ayants-droit et des institutions (comme le CNC pouvant désormais saisir le juge pour contrefaçon). La volonté de la Haute Autorité d’apporter une expertise et une efficacité revendiquées avec des résultats jugées non des moindres. Bien que loin de faire l’unanimité.

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