Gestion sonore : la difficile mise en application du décret

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Le contenu du texte était appréhendé par les professionnels du spectacle. Le décret venant réguler les niveaux sonores dans les salles et les lieux de spectacle a été publié début août. Les différentes mesures ont été présentées par Agi-Son à l’occasion de la 1ère Convention Nationale pour la Vie Nocturne à Paris. Un décret aux normes qualifiées de strictes et qui préoccupent d’ores-et-déjà les exploitants de salles et diffuseurs.

En tant que point de rencontre entre les artistes et les publics, le spectacle est évidemment le secteur culturel le plus touché par les normes de sécurité, de santé et d’environnement. La sécurité de salles de spectacle, des festivals et des clubs est une priorité absolue depuis les attentats de Paris en novembre 2015, avec pour effet des coûts liés à la sécurité qui ont considérablement augmenté. S’y ajoute dorénavant la santé des publics et l’environnement. Les diffuseurs et exploitants de salles de spectacle se heurtent désormais à de nouvelles normes, celles afférentes à la gestion des niveaux sonores. Le décret publié le 7 août dernier liste pas moins de six mesures. Outre l’abaissement du plafond acoustique de 105 à 102 dB(A) et la fixation d’un plafond de 118 dB(C) (infrabasses), la profession doit désormais enregistrer et conserver les données justifiant des niveaux sonores pendant six mois. Deux autres mesures portent sur l’information avec l’affichage du score des décibels en continu pour les régisseurs son et pour le public. Enfin, en matière de santé et de prévention, le décret fixe une obligation de protections auditives à disposition des publics et de zones de repos avec un niveau inférieur à 80 décibels. Quelques exceptions viennent toutefois modérer l’exigence des mesures. Seuls les lieux avec une capacité de plus de 300 personnes sont concernés par les normes d’affichage et de conservation des données. Aussi, hormis le plafond acoustique à 102 décibels applicables à tous les lieux diffusant de la musique, seuls les lieux « diffusant de la musique amplifiée à titre habituel » sont concernés par toutes les autres mesures. Soit à priori l’ensemble des lieux ayant un minimum d’une dizaine de concerts par an. Et l’exception ne s’applique évidemment pas aux festivals qui par définition ont lieu une fois par an. Autre exception, l’ensemble des mesures – sauf celle des 102 dB(A) – ne concernent pas les établissements d’enseignement ni les salles de cinéma. Au-delà de la santé des publics, l’environnement est également un aspect sur lequel la responsabilité des exploitants de salles et des diffuseurs est engagée. Le décret fixe des obligations en termes de nuisances sonores et la réalisation d’études d’impact en guise de prévention. Autant de normes jugées difficilement applicables par la profession.

Un coût de plusieurs milliers d’euros

La mise en application du décret régulant les niveaux sonores est d’ores-et-déjà discutée – et remise en cause – par les professionnels. De facto, le décret fixe une obligation pour les diffuseurs et exploitants de salles d’investir dans des équipements et des infrastructures. Répondre aux exigences d’affichage des niveaux sonores et de réalisation d’études d’impact demande des outils techniques. Se pose d’emblée la question des coûts financiers. « La réalisation d’études d’impact de nuisances sonores et l’achat d’équipements devraient coûter plusieurs milliers d’euros, entre 2 000 euros et jusqu’à 20 000 euros, en fonction des salles. La profession et plus globalement le secteur ne prennent pas encore la portée de telles mesures » confie Franck Boyat, Président d’Agi-Son. Exploitants de salles et diffuseurs souhaiteraient la mise en place de dispositifs de soutien pour financer leur mise aux normes du nouveau décret. La création d’un fonds de soutien ou d’un crédit d’impôt émergent parmi les solutions éventuelles. Des volontés qui se heurtent à la réalité budgétaire que l’on connaît. Il faut dire que le fonds d’urgence pour le spectacle vivant représente déjà une somme de 14,4 millions d’euros, financée à moitié par l’Etat via le Ministère de la Culture et le CNV, et par les organismes de gestion collective entre autres. La profession n’est donc pas très optimiste à en croire Aurélien Dubois, Président de la Chambre Syndicale des Cabarets Artistiques et Discothèques (CSCAD). Les exploitants de salles et diffuseurs n’ont pas connaissance d’un éventuel soutien de part et d’autres. Autre mesure qui pose problème, la mise à disposition de zones de repos. « C’est notamment un problème pour les festivals, les boîtes de nuit et les salles de petites jauges » soulignait le Président d’Agi-Son lors de la Conférence Nationale pour la Vie Nocturne. De par la grande capacité d’accueil des festivals et des boites de nuits, l’ouverture de zones de repos nécessite une gestion des flux de personnes entrants et sortants, tandis que de tels aménagements sont très difficiles dans l’enceinte des petites salles de spectacle. Exploitants de salles et diffuseurs devront pourtant commencer à évaluer le coût des outils et des éventuels aménagements en vue de se mettre aux normes d’ici le 1er octobre 2018.

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