Denis Thebaud – Qobuz : « L’international et l’évolution du marché sont nos leviers de croissance »

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Denis Thébaud, Président-Directeur Général de Xandrie

Qobuz se distingue sur le marché du streaming avec un accent mis sur la haute résolution, un contingent d’abonnés modeste, une taille plus humaine mais aussi une rentabilité attendue plus tôt par rapport à ses concurrents. La plateforme made in France a enchainé les partenariats ces derniers mois (E.Leclerc, Cultura, Free…) pour accéder aux consommateurs. Son lancement récent en Italie et en Espagne et surtout son arrivée à venir aux Etats Unis pourraient permettre à Qobuz de prendre du galon sur le marché. Dans une interview à CULTUREBIZ, Denis Thébaud, détaille les axes de la stratégie, les investissements et le nombre de clients de Qobuz. Le Président-Directeur Général de Xandrie, maison mère de Qobuz, révèle aussi sa position vis-à-vis du user centric et des demandes des artistes-interprètes.

CULTUREBIZ : Quels sont les grands axes actuels et à venir de la stratégie marketing de Qobuz pour toucher les clients cibles de ces offres ?

Denis Thébaud : A la reprise de Qobuz, la refonte de l’usine digitale (applications, plateforme, etc.) pour consolider le côté opérationnel, la sécurité des transactions et la maîtrise des données était notre priorité à la reprise de Qobuz avant même de gagner en notoriété. Nous n’avons pas encore la notoriété équivalente à la qualité de notre offre, en France mais aussi sur des marchés importants comme l’Allemagne, la Grande Bretagne ou encore les Pays-Bas. Nous avons effectivement multiplié les partenariats ces derniers mois en ce sens, notamment avec Free, Cultura, E.Leclerc, etc. Et notre ambition est de répliquer ce genre de partenariat en Allemagne, Belgique, Suisse, Grande Bretagne. De même que nous pourrions tout à fait initier des partenariats d’un nouveau genre en Allemagne et les répliquer en France ou ailleurs en les adaptant au marché de destination. Ce sont certes des étapes importantes mais elles ne remplacent pas de grandes campagnes de publicité. C’est l’une des prochaines étapes de notre stratégie que mettrons en œuvre au printemps.

L’investissement était une annonce majeure lors de la reprise de Qobuz par la société Xandrie. Où en êtes-vous à ce niveau ?

Pour la période allant de 2016 à 2021, ce ne sont pas moins de 22 millions d’euros qui devraient être investis. En novembre 2017, nous avons investi 4,5 millions d’euros et c’est un investissement d’environ 4,5 millions d’euros qui devrait aussi être effectué au printemps 2018. Nous investissons au fur et à mesure du déploiement de notre stratégie pour améliorer et consolider notre interface, nos produits et notre marketing.

« Qobuz compte à ce jour près de 100 000 clients »

A combien s’élève le nombre d’abonnés de Qobuz ?

Qobuz compte à ce jour près de 100 000 clients. Nous ne communiquons pas encore sur d’autres chiffres pour la simple et bonne raison que nous avons un certain nombre de clients avec un comportement mixte avec du streaming et du téléchargement. Tous les catalogues de certains genres musicaux n’étant pas disponibles en streaming  nos clients, de tous les âges enrichissent pour beaucoup leurs propres collections. Il y a toujours ce besoin de posséder la musique chez certains publics, et ce dans une très bonne qualité.

Comment sont répartis les contingents d’abonnés entre les pays ?

La France est notre premier marché avec une part d’abonnés de plus de 50%. Viennent ensuite l’Allemagne et la Grande Bretagne. Nous avons beaucoup d’attentes vis-à-vis de l’Espagne et de l’Italie où Qobuz est disponible depuis le 15 décembre dernier. En 2020, la part de la France devrait être divisée par deux pour être comprise entre 20 et 25%. L’Amérique du nord devrait être notre 2ème marché avec une part de plus de 20%, tandis que l’Allemagne, l’Autriche et la Suisse devraient représenter environ 20%, de même que le Royaume-Uni.

« Un CEO et un country manager pour les USA seront nommés en début d’année »

Pourriez-vous donner des précisions sur la répartition des genres de musique et des abonnements au sein de la consommation ?

Les musiques pop / rock représentent plus de 35% de la consommation. Viennent ensuite les musiques classiques avec plus de 25%, un genre fort chez Qobuz du fait des services complémentaires proposés. Le jazz a une part de 10%. Nos abonnements les plus qualitatifs (Sublime +, Sublime et Hi-Fi) représentent plus de 75% de nos abonnés. Et on devrait rester sur cette pente à l’avenir, l’accent n’étant pas mis sur l’offre la moins qualitative (Premium). Nos leviers de croissance sont l’international avec le lancement effectif et à venir sur de multiples territoires et l’évolution du marché digital. De plus en plus de gens découvrent la musique digitale. Le marché a été divisé par deux par rapport à quinze ans, et il pourrait être trois à quatre fois plus important dans les quinze années à venir. Nous avons donc des projections optimistes.

Au vu du déploiement à l’international de Qobuz, doit-on s’attendre à une réorganisation des équipes avec la nomination d’un Directeur Général ou d’une Directrice Générale ?

Quand on reprend une affaire, outre l’argent investi, plus de la moitié de la réussite dépend de l’équipe et du management. Je me fais un plaisir d’annoncer qu’un CEO sera effectivement nommé en début d’année. Nous avons aussi renforcé le département produits avec l’arrivée prochaine d’un collaborateur en provenance d’un grand groupe. Notre ambition est de répondre à toutes les attentes de la clientèle ciblée par notre offre. Nous avons aussi l’intention de nommer un country manager aux USA. C’est le 1er marché mondial et il faut une personne expérimentée avec la compréhension de ce marché. D’autres recrutements devraient suivre au cours du premier semestre.

 « Nous sommes plutôt favorables au user centric mais pas dans un climat de désorganisation du marché »

Quelle est votre position sur le User centric plébiscité par les producteurs indépendants et par Deezer ?

Nous y sommes plutôt favorables mais pas si c’est dans un climat de tension et de désorganisation du marché. C’est la dernière chose dont Qobuz a intérêt pour se développer. Etant donné que ce sont les producteurs qui décident de la répartition, notre position est de dire c’est aux producteurs de décider si le modèle doit évoluer ou non. Ce qui est sûr c’est qu’il est difficile de faire cohabiter plusieurs modèles. La répartition des droits est un énorme travail. Je crois qu’il faut laisser cette idée se développer au sein des organisations professionnelles. Ce serait un changement important dans la filière. Il y a donc un grand besoin d’organisation pour ne pas que ce nouveau mode de répartition – s’il venait à se concrétiser – n’entrave le développement de l’industrie. Ce n’est pas à nous de brandir l’étendard du user centric. Je crois plutôt que c’est aux ayants-droit de se réunir et de peser le pour et le contre des avantages et inconvénients.

Les artistes-interprètes sont indispensables aux musiques les plus consommées sur la plateforme. Quelle est la position de Qobuz vis-à-vis des demandes des artistes-interprètes (AEPO-Artis, Spedidam, Adami), d’aller collecter directement auprès des plateformes de streaming une rémunération proportionnelle à l’exploitation des œuvres ?

Si nous voulons un secteur pérenne, il doit être simple et lisible. On ne peut pas multiplier les péages et ajouter de la complexité. L’interlocuteur de l’artiste est le producteur. C’est à ce niveau que les négociations doivent se faire. L’intérêt de la filière est que les choses soient simples et qu’il n’y ait pas un millefeuille d’intervenants, ce qui pourrait avoir effet de compliquer la répartition des recettes et de rendre le marché moins compétitif. Et cela pourrait aussi créer des distorsions entre les pays. J’entends les revendications des artistes-interprètes mais je ne pense pas que ce soit le meilleur moyen d’y arriver. Et c’est aussi la position de Digital Music Europe à ce sujet.

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