Décret niveaux sonores : la concertation privilégiée par la filière du spectacle

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Le mois de la gestion sonore organisé par l’association Agi-Son avec ses partenaires en régions se tient dans un contexte particulier. Les professionnels du spectacle doivent se conformer aux nouvelles normes imposées dans les lieux diffusant de la musique. Des dispositions contestées par la Chambre Syndicale des Lieux Musicaux (ex-CSCAD) et aussi par les acteurs de la filière du spectacle mais avec une approche différente.

La carte de la convergence. Déconcertée par le décret qui s’avère, d’après les dires de tous, à l’opposé du consensus obtenu avant sa publication, la filière du spectacle s’efforce de défendre ses intérêts en matière de gestion sonore sans se mettre à dos les pouvoirs publics. Une évidence au vu du calendrier politique des organisations professionnelles souhaitant agrémenter les dispositifs de la politique dans le secteur (crédit d’impôt spectacle, FONPEPS, etc.) ou en mettre en place de nouveaux (crédit d’impôt théâtre, Maison commune de la musique). Les représentants des diffuseurs, salles de spectacle, festivals et producteurs sont tout de même dans l’urgence. Les nouvelles normes du décret devront être appliquées et respectées d’ici octobre 2018 de sorte à ce que la régulation des niveaux sonores voulue par le Gouvernement soit effective. Or ledit décret est qualifié de trop stricte, d’inapplicable, et comme pouvant engendrer des coûts trop importants pour les structures en raison des aménagements et de l’achat de matériels et d’équipements. Les entreprises et entrepreneurs du secteur montent donc au créneau et demandent au Gouvernement « une concertation avec les Ministères de la Santé, de l’Environnement et de la Culture afin de rendre le texte applicable », d’après un courrier adressé par Agi-Son, l’association créée pour valoriser la bonne gestion sonore du secteur. « Nos professionnels sont responsables et conscients qu’il faille avancer avec un texte nouveau pour réguler les niveaux sonores. Il faut donc entendre les professionnels sur les dispositions  qui ne sont pas applicables, d’où notre volonté d’en discuter avec les équipes du Ministère de la Culture et de la Santé. A côté de cela, il faut souligner que l’application stricto sensu du décret mettrait en périls certaines esthétiques musicales déjà fragiles » commente Malika Séguineau, Directrice Générale du PRODISS, syndicat majoritaire avec 54% des salariés du secteur privé et 40% des entreprises. Du côté du Syndicat National des Entrepreneurs de Spectacles (SNES), 2ème syndicat avec une part de représentativité de 18,5%, l’on confirme que « la plupart des dispositions, comme la création de salles de repos, les études d’impact ou la mise à disposition gratuite de protections auditives, sont au mieux problématiques et au pire inapplicables ».

Concilier les intérêts du secteur et la santé publique

Malgré un désaccord unanime avec les normes instaurées par le décret, la filière du spectacle ne soutient pas le recours en annulation déposé au Conseil d’Etat par la Chambre Syndicale des Lieux Musicaux (CSLM). La stratégie des organisations professionnelle consiste à travailler de manière constructive avec les pouvoirs publics pour reprendre la main en vue de la rédaction à venir de l’arrêté d’extension qui précisera les mesures annoncées. « Le PRODISS n’est pas favorable au recours en annulation déposé à l’encontre du décret. Nous préférons que soient modifiées les dispositions inapplicables pour avoir un décret compatible avec la profession. Nous voulons aussi travailler avec le Ministère de la Culture pour obtenir et construire des accompagnements » fait savoir Malika Séguineau. Une orientation nettement différente de celle du syndicat des clubs (CSLM) qui brandit une atteinte à la liberté de commerce et d’industrie ainsi qu’une entrave à la diffusion des œuvres dans sa requête en annulation vis-à-vis du décret. Le SNES, qui indique comprendre ces arguments, est comme toutes les autres organisations professionnelles aligné sur la position du PRODISS. « Nous sommes plus dans une démarche de négociation et pensons que la concertation est la meilleure chose à faire parce que l’on est en matière de santé publique. Nous pensons qu’il est possible de jouer le jeu de la gestion sonore tout en respectant nos métiers et en préservant les esthétiques » insiste Philippe Chapelon, Délégué Général du SNES.  Le Syndicat National des Entrepreneurs de Spectacles envisage d’ailleurs de proposer une expérimentation en présence des professionnels et des pouvoirs publics dans le cadre de la concertation souhaitée. Une initiative qui pourrait faire émerger un consensus entre professionnels et pouvoirs publics et faire prendre conscience de la difficulté d’une gestion des niveaux sonores optimale dans les lieux diffusant de la musique notamment en raison du caractère aléatoire de leur perception. Et par la même occasion permettre de mesurer les impacts financiers sur les entreprises du spectacle que font planer les normes d’une régulation trop contraignante.

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