Crise sanitaire : les organismes de gestion collective en première ligne pour accompagner le secteur de la musique

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Les répercussions de la crise sanitaire sont d’ores-et-déjà catastrophiques pour l’industrie de la musique. Le plan de secours de 11,5 millions d’euros déployé par le Centre National de la Musique est une première pierre. Dans l’attente d’une politique de relance avec des moyens à la hauteur des besoins, la filière s’organise pour soutenir les créateurs et les entreprises avec des dispositifs parallèles aux aides annoncées par le Gouvernement. Et les organismes de gestion collective que sont la SACEM, la SCPP, la SPPF, l’ADAMI et la SPEDIDAM, par leur fonction et les moyens dont ils disposent, jouent un rôle primordial.

L’industrie de la musique reste sous l’effet du coup d’arrêt porté par la crise sanitaire à l’ensemble de l’économie. L’interdiction des rassemblements a de facto provoqué l’annulation de tous les concerts et festivals, ainsi que la suspension des tournages de clips, mais aussi des publicités, des fictions TV, et des longs-métrage essentiels à l’activité des éditeurs de musique. Les mesures de confinement, la fermeture des commerces non-essentiels, et la contraction du marché publicitaire sur lequel reposent les radios et TV, ne sont pas sans incidence sur la diffusion de la musique et auront un impact à moyen terme sur les perceptions des droits des créateurs, éditeurs, et producteurs. Le marché de la musique enregistrée fait quant à lui face à un manque à gagner en raison de la fermeture des FNAC, Cultura et disquaires indépendants, qui a mécaniquement fait plonger les ventes d’albums physiques qui représentaient 230 millions d’euros en 2019 selon le dernier bilan du SNEP. Et les genres de musique plus consommés en physique qu’en digital (chanson, jazz, musiques du monde) sont les premiers pénalisés. Bien évidemment, le streaming atténue la gravité de la crise sur la consommation de la musique enregistrée, en particulier pour les musiques urbaines. Pour autant, la crise a inexorablement bousculé les habitudes. D’abord celles des consommateurs, disponibles et constamment connectés mais happés par les contenus en lien avec l’actualité sur les réseaux sociaux. Mais aussi celles des artistes, qui pour continuer d’exister se doivent d’être plus présents, d’adapter leur manière de communiquer et de se promouvoir. Et bien sûr celles des labels et éditeurs, forcés de repenser leurs stratégies, de repousser ou d’adapter les sorties. Et l’heure d’un retour à la normale n’est pas imminente.

60 MILLIONS D’EUROS

Les organismes de gestion collective, qui administrent une des principales sources de revenus des auteurs, compositeurs, éditeurs et producteurs, s’activent à accompagner leurs membres. Face à l’urgence à laquelle sont confrontés les professionnels, les organismes de gestion collective ont d’emblée mis l’accent sur la continuité de leurs services, en particulier pour assurer les prochaines échéances de paiement de droits, continuer de traiter les demandes d’aides et honorer les aides attribuées. Dès la mise en place du plan de secours par le Centre National de la Musique mi-mars, la Sacem, l’Adami et la Spedidam se sont engagées à hauteur de 500 000 euros chacune. A la fin du mois de mars, la Sacem dévoilait les axes de son « plan de mesures d’urgence (36 millions d’euros), comprenant un fonds de secours de 6 millions d’euros (aides entre 1 500 et 5 000 euros), des avances de droits (10% de la moyenne des trois dernières années) et des aides spécifiques aux éditeurs (1 million d’euros de plus pour le programme d’aide dédié). L’Adami a dans le même temps détaillé les mesures adoptées, pour un total de 11,3 millions d’euros. Parmi les plus significatives, le paiement exceptionnel de 8,5 millions d’euros pour accroître le soutien aux artistes en cette période de crise, ainsi que le versement des aides attribuées aux projets artistiques (festivals, concerts) annulés ou reportés pour un montant global de 1,8 million d’euros. La Spedidam a indiqué début avril avoir versé plus d’1,1 million d’euros dans le cadre de son action culturelle, juste pour le mois de mars, et ce malgré la suspension des commissions d’aides. Du coté des producteurs de phonogrammes, les membres de la SPPF bénéficient d’une avance, pour un montant global de 4 millions d’euros, remboursable sur les droits à partir de fin 2021. Le Conseil d’Administration de la SCPP a pour sa part adopté un plan de soutien à la production phonographique de 9 millions d’euros. Le premier axe porte sur l’attribution d’aides (5,2 M€), dont le caractère remboursable sera évalué en 2021, pour contribuer à compenser les pertes enregistrées en mars et avril. Le second, qui consiste en l’élargissement de l’intervention de la SCPP dans le cadre des aides à la création, est déployé en mai. L’ensemble des mesures déployées par les organismes de gestion collective, pour lutter à leur échelle contre l’impact de la crise, atteignent ainsi les 60 millions d’euros.

VISIBILITÉ ET RELANCE DE L’ÉCONOMIE

Un grand plan de relance dédié au secteur de la musique est indispensable pour accompagner le secteur et les professionnels. Du soutien, de l’accompagnement, de la ressource, de l’engagement. Le tout, et c’est une évidence, accompagné de moyens adéquats. Le budget alloué au Centre National de la Musique pour sa première année a permis à l’établissement de mettre sur pied, dès le mois de mars, un plan de secours abondé de 10 millions d’euros avec en complément 1,5 million d’euros de la Sacem, l’Adami et la Spedidam. « A l’évidence, pourtant, cela ne suffira pas » concédait Jean-Philippe Thiellay, Président du CNM, dans une tribune publiée le 2 avril sur LinkedIn. Le Gouvernement et plus globalement les pouvoirs publics sont attendus de toutes parts par les professionnels, entreprises, associations, intermittents, artistes. A l’attente s’ajoute le manque de visibilité sur la reprise de l’économie et de l’activité. Il faut dire que certaines annonces du Gouvernement, parce que contradictoires, ont amplifié l’inquiétude des acteurs de la filière musicale. Le Président de la République a d’abord déclaré le 13 avril que les grands festivals ne pourraient pas se tenir avant mi-juillet, avant que le Premier Ministre n’ajoute que les festivals de plus de 5000 personnes ne seraient pas autorisés avant septembre, et que le Ministre de la Culture ne précise que les festivals réunissant certaines conditions pourraient avoir lieu. 2020 devait pourtant être, avec le lancement du CNM, une année charnière de l’ambition politique pour le secteur de la musique. En l’absence d’un contexte favorable, c’est avec de la prise en considération des multiples problématiques et spécificités du secteur de la musique, de la lisibilité dans la politique menée, et de l’ambition politique que le secteur sera en bonne voie vers une sortie de crise avant un retour de la prospérité.

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