La CISAC et l’UNESCO alliées contre le transfert de valeur

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Les créateurs et leurs alliés multiplient les initiatives pour défendre le partage de la valeur créée par les œuvres et contenus culturels sur les plateformes. Le niveau européen est évidemment en tête des priorités, alors que le projet de la directive afférant au droit d’auteur est en chantier, et qu’une réponse coordonnée est plébiscitée pour enrayer les distorsions du marché. Mais le caractère universel de la Culture va de pair avec l’impact du transfert de valeur, du piratage, et de la diversité culturelle. La dimension internationale des enjeux qui y sont associés a été consolidée la semaine dernière à Paris sous l’impulsion de la CISAC et de l’UNESCO.

Les créateurs et ayants-droit conjuguent leurs efforts à tous les niveaux pour le partage de la valeur. La conférence à l’Unesco dédiée à la rémunération équitable des créateurs a été l’occasion de le rappeler. La Confédération Internationale des Sociétés d’Auteurs et de Compositeurs (CISAC) mène l’offensive à l’échelle internationale. « Le cadre actuel a besoin de solutions. Les problèmes à portée internationale ont besoin de réponses d’envergure. Les gouvernements ne résoudront pas seuls le value gap » a déclaré Gadi Oron, son Directeur Général. L’UNESCO compte parmi les soutiens influents de la CISAC. C’est sous l’égide des deux institutions que les professionnels, créateurs et intellectuels ont fait converger leurs positions sur le transfert de valeur. En introduction de la conférence, la Directrice Générale de l’UNESCO a par la voix de sa représentante renouvelé son soutien aux créateurs dans la bataille de la valeur en ligne : « Sans rémunération équitable, il n’y a pas de partage de la valeur et il n’y a pas de financement de la création ». Au-delà des décideurs et professionnels de la filière musicale, le transfert de valeur préoccupe les créateurs et leurs haut-parleurs, qui s’efforcent d’entretenir la mobilisation, à l’instar de Jean-Michel Jarre. Pour le compositeur, également Président de la CISAC, « Il faut créer un modèle économique qui soit adapté aux nouveaux modes de consommation de la culture. Les décisions qui vont être prises à Bruxelles peuvent changer positivement ou négativement les choses ».

La responsabilité des plateformes plébiscitée par la CISAC

La CISAC est évidemment favorable à une régulation du marché par le législateur pour endiguer le transfert de valeur. Parmi les mesures qu’elle plébiscite, comme ses homologues européens, émerge en tête l’extension de la responsabilité des plateformes. Ce que propose le projet de directive du droit d’auteur de la Commission Européenne. « Le premier axe consisterait à ce que leur rôle actif soit reconnu dans la mesure où elles optimisent la présence et la promotion des œuvres. Et le second porterait sur de nouvelles obligations pour les prestataires qui stockent un volume important d’œuvres. Les plateformes ne devraient donc plus seulement exercer un rôle réactif, mais également un rôle proactif pour protéger les contenus mis en ligne par des utilisateurs qui ne sont pas titulaires des droits » précisait Alexandra Bensamoun, Professeure de droit privé. La chercheure, qui a par ailleurs mené des missions pour le Conseil Supérieur de la Propriété Littéraire et Artistique (CSPLA), a aussi rappelé que le projet de directive instaurerait une « obligation de coopération ». Une disposition qui engagerait donc les plateformes comme les ayants droits à collaborer davantage pour lutter contre le piratage, puisque « les empreintes devront être fournies par les titulaires de droit ». Mais certains juristes sont pour le moins sceptiques quant à la concrétisation d’une telle mesure, dont l’Avocat italien Massimo Travostino, qui avait déclaré au Midem qu’« Une telle coopération est difficile à mettre en œuvre quand les intérêts sont contradictoires, elle est simple en théorie mais difficile à mettre en place ». En tout état de cause, la CISAC, comme ses homologues au niveau européen, souhaite qu’à terme les plateformes soient « dans l’obligation d’obtenir des licences auprès des titulaires de droits et de rémunérer équitablement les créateurs pour l’exploitation des œuvres ». D’après son Président Jean-Michel Jarre, « Il est important de réfléchir à la manière dont on va rétribuer la création. C’est un problème économique urgent. Moins il y aura de rétribution et plus l’identité des pays sera fragilisée ».

Un ensemble de directives adopté par l’UNESCO

La protection et la promotion de la diversité de la Culture, objets de la Convention de 2005 de l’UNESCO, font également office de bouclier du droit d’auteur et de la rémunération équitable sur le marché numérique. En cela, l’UNESCO s’avère être un allié d’envergure pour les représentants des créateurs à l’international, dont ceux à l’échelle européenne. En fin de semaine dernière, un ensemble de directives portant sur la Culture dans le contexte numérique a été adopté par les représentants de 144 pays et par ceux de l’Union Européenne. Il s’agit d’inciter les pays à « garantir que les artistes bénéficient pleinement et justement du potentiel de marché numérique depuis la création à la distribution des œuvres ». L’ensemble de directives portent la nécessité de nouveaux écosystèmes pour le marché numérique et le streaming notamment et la mise en œuvre de politiques pour défendre le droit d’auteur. Sont également formulées des préconisations à l’intention des gouvernements pour concilier le potentiel du numérique avec le développement des industries culturelles et créatives. Des arguments qui viennent appuyer les demandes des créateurs qui s’attèlent à faire valoir à Bruxelles la nécessité absolue d’instaurer un cadre favorable au partage de la valeur.

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