Alexandre Deniot – Reed Midem : « Nous avons une vision sur le long terme pour le Midem »

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Alexandre Deniot, Directeur du Midem

Le trait d’union entre musique et business. Le Midem est assurément le meilleur endroit en France et en Europe pour prendre la dimension internationale du secteur, suivre les tendances et actualités et comprendre les enjeux des marchés étrangers et de tous les acteurs. Être jumelé à l’économie de la musique est son plus grand atout mais aussi sa plus grande faiblesse. Il est depuis quelques années en perte vitesse. La pérennité de l’évènement historique est régulièrement en question. Mais Reed Midem, la société qui l’organise, continue à investir. Le Midem est est toujours un lieu où sont discutés le présent et le futur de l’industrie musicale et il s’emploie à le rester. La reprise de croissance du marché mondial de la musique enregistrée et des principaux marchés, ainsi que la dynamique de progression des marchés émergents, en plus du caractère très lucratif du live, sont autant de perspectives pour le retour en force du Midem. L’équipe en place, en particulier son nouveau Directeur, assure avoir la confiance du groupe pour y parvenir. Les accréditations seraient en hausse par rapport à l’an dernier. A quelques semaines de la 52ème édition, Alexandre Deniot et Delphine Grospiron, Directrice du live, détaillent leur stratégie pour développer l’attractivité du Midem.

CULTUREBIZ : Quel bilan avez-vous dressé de l’édition 2017 du Midem ?

Alexandre Deniot : Avec une satisfaction générale en forte hausse, le succès de nos conférences et de nos compétitions artistes ou startups, le bilan est extrêmement positif. Nous avons enregistré une fréquentation stable avec 4 400 participants. Cette édition a été marquée par des intervenants exceptionnels dont Andy Ng, VP de Tencent, et Steeve Bartels, CEO de Def Jam ou encore Mike Shinoda du groupe Linkin Park. Le Midem rassemble ce qui se fait de mieux au sein de l’industrie musicale. L’ensemble des majors étaient présentes de même que les plus importants labels et éditeurs indépendants, ainsi que les acteurs digitaux clés de la distribution et du streaming. Le repositionnement du MIDEM au cœur du palais et le fait que l’on exploite aussi beaucoup plus les espaces extérieurs avec notamment les deux scènes sur la plage du Majestic ont aussi été des indicateurs de l’investissement du groupe.

La création d’un « Live summit » a été la première grande annonce pour l’édition 2018. Pouvez-vous préciser l’ambition du MIDEM vis-à-vis des acteurs du spectacle ? Et est-ce qu’il n’y avait la nécessité d’augmenter la place du spectacle dès le changement de calendrier en 2015 ?

Delphine Grospiron : Le Midem était historiquement un marché de l’édition qui a beaucoup évolué ces dernières années avec la montée en force des maisons de disques et des labels, des plateformes, des agences, des artistes et du live. Notre volonté est de construire une offre pertinente dans le secteur du live en proposant un programme plus complet avec, entre autres, ce tout premier Live Summit, construit en partenariat avec Pollstar, qui se tiendra le jeudi 7 juin. L’événement réunira des pionniers du secteur, la nouvelle génération ainsi que les acteurs les plus innovants. Ce sera l’occasion d’évoquer les défis et les opportunités auxquels l’industrie du live est aujourd’hui confrontée au sein du nouvel écosystème mondial de la musique, à travers un programme complet de panels, d’études de cas et de temps d’échanges. Plusieurs figures du secteur ont déjà confirmé leur participation et nous en sommes ravis.

Notre objectif est vraiment de faciliter les interactions entre les acteurs du live et le reste de l’écosystème présent au Midem, de proposer une plateforme et des outils qui permettent aux acteurs du live comme à l’ensemble des participants d’échanger, de faire des deals et de construire ensemble le futur de notre industrie. C’est d’ailleurs déjà le cas de plusieurs agences qui viennent notamment signer des artistes.

L’idée d’adresser le sujet du live de manière large est là depuis un moment. Nous l’avions initié par différents procédés mais je pense que l’évènement n’était pas prêt. Lors du changement des dates en 2015, nous étions focalisés sur la reconfiguration du MIDEM et nous avons souhaité attendre de bien ancrer l’évènement pour nous donner la liberté de développer de nouveaux formats et de nouer des partenariats solides. Notre ambition est maintenant que l’ensemble des professionnels de l’industrie soient présents pour travailler ensemble et il est donc indispensable que le live soit bien représenté.

« La prise de parole des plateformes au Midem est l’une de nos priorités »

Le MIDEM revendique le leadership sur la scène internationale. Pourquoi l’aspect institutionnel n’est pas davantage exploité afin que les décideurs viennent aussi dans une démarche de lobbying ?

Alexandre Deniot : Le MIDEM est aussi un lieu où se tiennent les discussions pour faire évoluer le marché. Nous travaillons beaucoup sur cet aspect. Cela fait maintenant plusieurs années que la Commission Européenne est très visible, avec la participation de parlementaires. Les sujets politiques sont largement abordés durant le Copyright Summit, et nous accueillons également la Ministre de la Culture.

Delphine Grospiron : Il est aussi important de souligner que le MIDEM est aussi un lieu d’annonces. De nombreux rapports et études exclusifs y sont présentés, des décisions marquantes y sont prises et annoncées. C’est d’ailleurs au Midem que Françoise Nyssen, Ministre de la Culture, a relancé le projet de Maison commun aux acteurs de la filière musicale française et annoncé une mission sur le sujet. C’est aussi au Midem qu’a été lancé le European Music Export Exchange Network (EMEE), l’association pan-Européenne réunissant plus de 20 bureaux export de la musique.

Compte tenu de toutes les discussions au niveau européen et international, l’on pourrait s’attendre à ce que le Midem soit une référence dans les discussions entre les acteurs, et notamment avec les plateformes. Le MIPCOM et le MIPTV s’orientent clairement en ce sens, avec des keynotes de Facebook ou de Snap en 2017…

Alexandre Deniot : Le Midem a en fait été pionnier dans le lancement d’un dialogue entre les acteurs de la filière musicale et les géants du digital. Dès 2000, nous avions dédié une conférence sur le futur de la musique digitale. iTunes avait été présenté au Midem de 2004. Cette année, cet axe fait bien sûr plus que jamais partie de nos priorités, comme le témoigne nos dernières annonces autour du lancement d’un sommet dédié sur les enjeux du streaming aujourd’hui et demain et de la première prise de parole du PDG de Rhapsody Int’l–Napster dans le cadre d’une conférence internationale. D’autres plateformes vont également être prochainement annoncées… Cela fait évidemment de nos priorités que les plateformes prennent la parole au Midem puisqu’elles jouent un rôle prépondérant dans la circulation de la musique et dans l’écosystème.

« Nous enregistrons une nette reprise de l’activité notamment portée par notre positionnement au niveau international »

Parlons du modèle économique du Midem. En 2016, les recettes issues du sponsoring et des accréditations représentaient 50% du chiffre d’affaires de l’évènement et les locations de stands la part restante. Le Midem est-t-il sur une dynamique de reprise avec plusieurs années de repli ? Et la croissance de la fréquentation n’est-elle pas votre priorité absolue en tant que nouveau directeur ?

A l’instar de l’industrie de la musique, nous enregistrons une nette reprise de l’activité notamment portée par notre positionnement au niveau international avec plus de 80 pays présents et l’arrivée chaque année de nouveaux venus. Le modèle économique du Midem repose sur des recettes propres et il faut bien sûr faire en sorte qu’elles se développent. Nous avons des projets et une vision sur le long terme pour le Midem. Nous sommes là pour continuer de faire croître l’évènement. Nous rassemblons la communauté mondiale de la musique et apporté de la valeur à ses membres est notre priorité absolue. Pour cela nous développons un programme adapté, basé sur quatre piliers principaux : Artiste & créativité, Inspiration, Innovation et Networking.

Pouvez-vous résumer les principales innovations attendues pour l’édition 2018 ?

Alexandre Deniot : Les nouveaux « summit » sont au cœur des innovations de cette année. Outre le Live Summit, nous lançons sur un focus un sur les marchés à fort potentiel avec un Midem African Forum cette année. Nous avons à cœur d’apporter une valeur ajoutée au moyen des services proposés, que nous voulons utiles, pratiques et pertinents. Nous mettons aussi l’artiste beaucoup plus au centre, pas simplement au travers des concerts, mais aussi dans le cadre d’initiatives très concrètes comme le 1er Songwriting Camp. Autre projet d’accompagnement des artistes : le Talent Export Programme qui a pour objectif de présenter, dans un format court et percutant, des artistes jugés « priorité export ».

« Une réflexion en cours pour le lancement d’un « Midem AFRICA »

Les formats du MIPTV et le MIPCOM ont été dupliqués à l’étranger avec le MIPChina en 2013 et le MIPCancun en 2017. L’organisation d’un « MIDEM African Forum » cette année préfigure-t-elle la création d’un évènement sous la marque Midem à l’étranger, éventuellement sur le continent africain ?

Alexandre Deniot : Notre objectif est vraiment d’accompagner la structuration des marchés à fort potentiel et la professionnalisation des différents acteurs avec des programmes dédiés. Pour préparer le Midem African Forum, nous nous sommes rendus en Afrique du Sud, au Nigéria, en Côte d’Ivoire ou encore au Congo-Brazaville. Nous n’essayons pas de surfer sur une tendance mais souhaitons vraiment être utile à la communauté de la musique en Afrique. Une réflexion est donc en cours sur le lancement d’un « Midem AFRICA » dans les années à venir.

Le MIDEM Artist Accelerator est, par définition, un dispositif d’accélération de carrière des nouveaux talents. Quel est le bilan des trois premières éditions ?

Delphine Grospiron : Nous en sommes très satisfaits, le MAA correspond vraiment aux besoins des acteurs. Sur le plan des résultats, il y a de belles histoires avec déjà deux signatures en début d’année pour des artistes de l’édition 2017: la suédoise Iris Gold a rejoint Playground Music Scandinavia tandis que l’écossaise Be Charlotte a signé avec Sony Allemagne. Côté live, le rappeur anglais Adian Coker a été confirmé en première partie de Ne-Yo sur sa tournée Européenne ; le duo électro sud-coréen XXX a été programmé aux dernières Trans Musicales de Rennes, les français Acid Arab se sont vu proposer l’opportunité de se produire à la Semana Internacional da Musica (SIM) au Brésil en décembre dernier; l’artiste Ghanéen M.anifest a été confirmé au Commonwealth Games en Australie et au Festival Lake of Stars de Londres et Glasgow. Nous sommes surtout focalisés sur la qualité de l’accompagnement fourni aux artistes. Les partenariats que nous initions au Midem sont précieux et vont toujours dans l’intérêt du développement des projets et des artistes. C’est un programme très international, où les artistes et leurs équipes se nourrissent les uns les autres. Nous y abordons différentes thématiques: marketing, promotion, touring, export.

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