Streaming : la stratégie de Deezer pour se démarquer à l’international

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Distancé par Spotify sur le marché international, Deezer joue la carte de la singularité. Toutes les activités sont englobées dans cette stratégie de démarcation. De l’offre de contenus et du marketing jusqu’aux partenariats mis en œuvre pour poursuivre de déploiement de la plateforme. Lors d’une keynote donnée en clôture du Midem, son Directeur Général, a détaillé le positionnement de la plateforme.

Deezer veut conserver le rôle de premier plan qui est le sien et accompagner la croissance du marché de la musique enregistrée dynamisée par le streaming. La plateforme se porte bien. Le bilan économique de Deezer a été dressé par son Directeur Général, l’allemand Hans-Holger Albrecht. Ce dernier a tenu à en souligner le caractère positif, assurant que la plateforme se portait bien financièrement parlant. « Nous devrions réaliser environ 300 millions d’euros de chiffre d’affaires cette année » envisage Hans-Holger Albrecht. Deezer revendique d’ailleurs plus de 12 millions d’utilisateurs actifs par mois.

Deezer veut s’affranchir de sa dépendance vis-à-vis des telcos

La progression du streaming par abonnement dans les habitudes de consommation en France a, on le sait, été dopée par les partenaires avec les opérateurs de télécommunication. En France, la plateforme compte 1,5 millions d’abonnés payants. Ces deux dernières années, la croissance des abonnés et des revenus de Deezer a clairement été dynamisée par les souscriptions d’abonnement par les clients des offres mobiles d’Orange. La France n’était évidemment pas une exception, Deezer ayant dupliqué le modèle sur un certain nombre de marchés étrangers notamment en Amérique Latine ou en Afrique. Une dépendance vis-à-vis des opérateurs de télécommunication dont Deezer s’attèle dorénavant à s’affranchir. Le service d’écoute de musique en ligne développe les clients captifs pour assurer la croissance et la fidélisation de ses abonnés. Un virage d’ores-et-déjà payant, d’après Hans-Holger Albrecht, qui a fait savoir que « les clients captifs augmentent de 40% chaque année. Nous avons ajusté notre modèle en nous recentrant sur les clients captifs et plus seulement sur les partenariats avec les opérateurs téléphoniques. Les efforts fournis depuis environ deux ans commencent à payer, nous sommes confiants ». Le nombre afférent aux souscriptions d’abonnement n’a cependant pas été précisé. Hans-Holger a néanmoins confirmé que la dépendance de Deezer vis-à-vis des opérateurs de télécommunication et plus globalement des partenariats était en retrait : « Moins de 50% de nos revenus proviennent des partenariats contre environ les ¾ auparavant, c’est une avancée bien que cela reste une part importante ». Dans l’optique de diversifier ses sources de revenus, et de faire croître son contingent d’abonnés, Deezer s’attèle donc à développer de nouveaux partenariats. Au partenariat stratégique signé avec la Fnac annoncé au printemps s’ajoute un contrat similaire en Allemagne ou encore en Colombie. « Nous développons donc de nouveaux partenariats pour répliquer le succès de celles avec les telcos » a précisé Hans-Holger Albrecht.

Dualité entre international et local

Bien que le marché asiatique soit dominé par des acteurs locaux, à l’instar de la Chine avec Tencent Music et sa plateforme QQ Music notamment, l’Amérique du nord et l’Europe ne monopolisent pas les efforts des plateformes de streaming pour accroître leur développement à l’international. Spotify vient de passer la barre des 140 millions d’utilisateurs. De son côté, Deezer accélère sur certains marchés qui jouent un rôle des moindres dans la progression de ses utilisateurs et dans la croissance de ses revenus. D’après son DG, « L’Amérique Latine est le marché sur lequel Deezer a enregistré sa croissance la plus importante puisqu’on y a doublé nos revenus l’an dernier. Le Brésil, du Mexique et de la Colombie sont parmi les marchés qui progressent à vive allure. La croissance ne s’opère pas uniquement dans les pays occidentaux mais aussi sur les marchés émergents ». Des marchés singuliers, qui nécessitent une stratégie adaptée. Deezer a donc une approche locale pour impulser le streaming dans les habitudes de consommation de la musique dans les pays émergents. « Nous avons dû prendre en compte les habitudes de consommation des clients sur ces marchés, qui n’ont pas les mêmes gouts musicaux » a précisé Hans-Holger Albrecht lors de sa keynote au Midem. Il est en effet connu que dans les pays de l’Amérique Latine et de l’Afrique, les musiques locales sont plus populaires que les musiques mainstream qui dominent les charts en Europe et en Amérique du nord. Une spécificité mise en exergue par les études de données de Deezer, son DG ayant révélé que « 80% des écoutes en Colombie sont concentrés sur les répertoires de la musique locale ». C’est pour répondre à la demande de ces publics que Deezer s’applique à développer les références des catalogues afférant aux musiques locales, comme au Brésil entre autres.

Exclusivité

La recherche de singularité de Deezer a ses limites. La plateforme de streaming ne fait par valoir l’exclusivité de répertoires pour convertir de nouveaux clients à l’abonnement. Spotify, Apple Music et Tidal ont fait de la disponibilité d’albums de têtes d’affiche des registres pop-rock et musiques urbaines un atout marketing. Deezer se différencie en la matière en ne proposant pas de telles offres. « Je ne crois pas au concept de l’exclusivité de la musique sur certaines plateformes. Je crois que le streaming a progressé dans les habitudes de consommation parce qu’on a développé des offres exhaustives en termes de références musicales » a expliqué Hans-Holger Albrecht lors de sa keynote au Midem. Le Directeur Général estime l’exclusivité de catalogue comme étant contre-productive pour le streaming, et pour la lutte contre le piratage vis-à-vis duquel l’offre légale est une contre-offensive efficace, assurant que  « Si l’on commence à segmenter le marché du streaming avec des exclusivités, cela va nuire au modèle économique du streaming ». Ce que pourraient éventuellement lui rétorquer ses concurrents sur un tout autre sujet, s’il s’avérait qu’ils ne soient pas favorables à la révision du mode de répartition aux ayants-droit auquel est favorable Deezer.

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