Le spectacle, un secteur peu soutenu au regard de sa contribution économique

5
minutes

L’opposition entre spectacle subventionné et spectacle privé est d’un autre temps. Le secteur privé est par définition moins soutenu. En revanche, la lente progression de la politique culturelle menée en faveur du spectacle privé est moins compréhensible au vu des indicateurs en termes de contribution économique. Le contexte ne facilite pas ni rentabilité des entreprises ni la capacité des entrepreneurs du spectacle à se projeter.

Un facteur risque omniprésent dans le quotidien des producteurs et organisateurs de festivals et sur lequel repose une partie de l’économie. C’est le constat sur lequel se sont accordés les entrepreneurs lors des échanges aux Biennales Internationales du Spectacle à Nantes à l’initiative du Prodiss. Et pourtant, « Le secteur est un contributeur net aux administrations. Sur l’année 2015, 200 millions d’euros de subventions ont attribuées contre une contribution par l’impôt sur les sociétés et les charges à hauteur de 320 millions d’euros. Le secteur génère donc plus d’argent qu’il n’en demande » observe Hugo Alvarez, manager chez EY. Le spectacle serait d’ailleurs bien moins dépendant de l’argent public que les autres secteurs culturels. D’après Hugo Alvarez, « 10% des revenus de la filière dépendent de l’Etat et des collectivités alors qu’on est autour de 30% dans les autres industries culturelles ». Une indépendance qui se paie au prix fort avec un risque élevé et une rentabilité très faible pour les entreprises. « L’on constate que la plupart de nos entreprises, qui sont des TPE, n’ont pas de marge nette » souligne Luc Gaurichon, Président du Prodiss. D’autant que les dépenses et postes de charges vont en augmentant. « Les dépenses pour la salle et les prestataires, le personnel pour l’accueil, la production et la technique, le marketing et les charges diverses sont invariables quelle que soit la capacité d’accueil. Chaque spectacle est un pari sur les recettes reposant encore à plus de 90% sur la billetterie » précise Christophe Davy, gérant de Radical Production.

Hausse des dépenses

La contribution du secteur du spectacle dans l’économie est toujours plus évidente. Et le soutien financier toujours aussi loin d’être adéquat. Les Vieilles Charrues (280 000 festivaliers en 2017) est un exemple parmi de nombreux autres. « Le festival est un véritable acteur économique bien qu’étant dans le tissu associatif. Il est contributeur à l’emploi et le développement du territoire est un aspect présent dans nos statuts. 90% des dépenses pour la restauration sont donc faites auprès de fournisseurs de la région Bretagne » assure Jérôme Tréhorel. Malgré la création de valeur pour la région du fait des retombées économiques, le festival n’a jamais bénéficié de subventions. « Faire sans nous a contraint à nous organiser sur un modèle différent en comptant davantage sur le soutien de sponsors et des entreprises locales. 80% du budget des Vieilles Charrues vient de recettes propres dont 60% de la billetterie et 20% des recettes annexes, et 20% du sponsoring. Le chiffre d’affaires a certes considérablement augmenté pour atteindre 17 millions d’euros mais c’est un vrai risque qui est renouvelé chaque année » complète le Directeur du plus grand festival français. Si le spectacle se porte bien au vu des chiffres de la billetterie et de la fréquentation régulièrement publiés par le CNV, l’activité des producteurs et organisateurs de festivals est tout de même impactée par de multiples facteurs. La baisse des revenus de la musique enregistrée fait partie des facteurs qui ont engendré une augmentation des cachets des artistes, tandis que les évènements tragiques de 2015 ont occasionné une hausse importante des coûts de sécurité. « On a dû faire face à une forte inflation des cachets. En 10 ans, notre budget artistique est passé d’1,7 à 4,4 millions d’euros. Il a donc fallu développer le mécénat et le sponsoring » confirme Jérôme Tréhorel. S’y ajoutent des dépenses supplémentaires non des moindres pour la sécurité des spectateurs. « On nous demande de prendre en charge une partie des factures pour les forces de l’ordre et les secours soit environ 100 000 euros chaque année ». Autant de dépenses qui, mises en corrélation avec le facteur de risque et les faibles taux de marge nettes des entreprises, accréditent le caractère indispensable des dispositifs existants.

Pérennisation des crédits d’impôt, fonds d’urgence et FONPEPS

Le renforcement de la politique de l’Etat à l’égard du secteur du spectacle, par le biais de la pérennisation du crédit d’impôt, du fonds d’urgence et du FONPEPS, est une préoccupation constante de la filière. Et l’année 2018 sera encore plus importante en enjeux, avec l’évaluation à venir du crédit d’impôt ou encore la fusion éventuelle du fonds d’urgence avec le fonds interministériel pour la prévention de la délinquance. L’avenir du fonds d’urgence, d’un montant de 4 millions d’euros en 2018, est source d’interrogations chez les professionnels quant au montant alloué pour le spectacle et aux conditions diverses. Quant au soutien de l’Etat et des collectivités territoriales, Françoise Nyssen a récemment fait savoir que l’Etat poursuivrait son soutien aux festivals, notamment par le maintien des aides, et que ce sont plus de 6 millions d’euros qui ont été alloués aux festivals pour pallier aux surcoûts de sécurité. La Ministère de la Culture s’est également dite favorable à la pérennisation du FONPEPS. Mais l’engagement des pouvoirs publics à vouloir réaffirmer leur ambition en faveur du secteur n’entravera pas leur intention de réguler la concentration.

Partager cet article