Spectacle : la concentration du secteur en limite les retombées économiques

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Les chiffres de « la diffusion des spectacles de variété et de musiques actuelles » sont chaque année publiés par le Centre National des Variétés (CNV). En 2015, le spectacle a généré 763 millions d’euros de billetterie pour un total de 25,3 millions d’entrées durant 58 216 évènements payants. Dans le détail, l’ensemble du secteur est en progression. Une croissance qui ne profite pas à tous les acteurs de manière équitable du fait de la concentration du marché.

Les français ont acheté moins d’albums mais plus de places de concert en 2015. Avec 5% de représentations en plus en 2015 comparé à 2014, l’offre de spectacles a trouvé son public. Le nombre d’entrées payantes a légèrement progressé (2%), de même que le prix des billets. Les recettes de billetterie, s’élevant à 763 millions d’euros, ont augmenté de 4%. Les producteurs et diffuseurs ont été pas moins de 4 173 à déclarer des représentations en 2015, soit 4% de plus qu’en 2014. Autant de chiffres qui illustrent la bonne tenue globale du secteur, d’autant que les salles de spectacles musiques actuelles et variétés ont réalisé 57% de la billetterie en 2015 et 58% des représentations. Mais le paysage du spectacle en France reste concentré en matière de fréquentation et de zones géographiques. Et les festivals n’échappent pas aux lois du marché.

Les festivals dynamisent la fréquentation

C’est une tendance constante depuis 2013 avec le succès pharaonique de Stromae entre autres. Les nombreux succès des artistes francophones dans les charts ont eu des effets porteurs pour le spectacle. La programmation étoffée des festivals est avec l’exclusivité de certaines têtes d’affiches – françaises et anglo-saxonnes – l’atout majeur des festivals de musiques actuelles pour attirer plus de spectateurs qu’il y a quelques années, et autant de publics différents. En 2015 les festivals ont totalisé plus de 6 millions d’entrées (24% de la fréquentation), et généré 150 millions d’euros de billetterie soit 20% du secteur. La fréquentation des évènements gratuits s’en trouve elle aussi impulsée par les festivals qui représentent 24% des représentations. La bonne santé du secteur du spectacle est donc aujourd’hui indissociable de celle des festivals. Outre leur attractivité, les festivals les plus populaires ont sans doute aussi bénéficié de l’arrêt de plusieurs festivals en 2015 faute de subventions. La « concentration de la fréquentation et de la billetterie » est l’un des axes soulevés par le CNV. D’après l’étude, les 30 festivals les plus importants composent 50% de la billetterie des festivals et en assurent plus du tiers de la fréquentation.

Les leaders se partagent l’essentiel du marché

Les retombées économiques engendrées par le secteur du spectacle sont certes très importantes mais elles bénéficient en majorité à un nombre d’acteurs limité. Malgré tout, la diversité de l’offre de spectacles en France est on ne peut plus effective, les évènements à 200 spectateurs et moins comptant pour près des deux tiers des représentations payantes. Mais ils ne réalisent que 6% de la billetterie. A eux seuls, les premiers 30 déclarants génèrent plus de la moitié des recettes. De ce fait, ce ne sont pas moins de 53% des revenus de la billetterie qui se concentrent sur 40 spectacles et artistes réalisant le tiers de la fréquentation globale. Et la tendance devrait se poursuivre voire s’accentuer en 2016, si l’on analyse les données de Digitick. Les quinze artistes qui ont été les plus présents en festivals en 2016 ont été programmés lors de 16 (Louane ; Last train ; Oxmo Puccino) et ce jusqu’à 25 festivals (Louise Attaque ; 22 pour Jain). Le fait que la nouvelle génération occupe les deux tiers des quinze artistes les plus programmés est toutefois un bon indicateur du renouvellement des talents. En revanche, toujours d’après les données de Digitick, les ténors de la variété française (Renaud ; Hallyday ; Polnareff) ainsi que les têtes d’affiche pop / rock planétaires (Coldplay ; Muse ; AC/DC) ont été pour deux tiers les artistes pour lesquels les français ont démontré le plus d’intérêt.

L’effet Bataclan limité

La concentration qui caractérise le secteur du spectacle est également de mise sur le plan géographique. Les 30 salles de spectacle et lieux de grande capacité emblématiques, tels que les Zénith, l’Olympia, le Stade de France, ou encore le Palais des Sports ont totalisé plus de la moitié des revenus de billetterie l’an dernier. Logiquement, leurs jauges de capacité leur permettent d’assurer une part significative de la fréquentation (35%) malgré qu’ils représentent environ 10% des représentations. La demande en matière d’évènements culturels étant naturellement conséquente dans les villes et régions les plus dynamiques, l’offre y est aussi concentrée. Plus du tiers de la fréquentation des spectacles payants a lieu en Île-de-France, où malgré une baisse de 1% en termes d’entrées et de recettes sont réalisés 39% de la billetterie (297 M€) dont 34% à Paris. Avec respectivement 78 millions d’euros (+20%) et 59 millions d’euros (+14%) de recettes, les régions Auvergne – Rhône-Alpes et Languedoc-Roussillon – Midi-Pyrénées ont aussi été les plus denses pour le secteur. Et la progression globale en 2015 des régions en termes de nombre d’évènements, de fréquentation et de recettes n’a pas nuancé la domination de ces trois régions. La concentration du secteur autour d’un nombre restreint d’acteurs, de régions et de salles de spectacle a beau consolider le marché, elle n’est toutefois pas exempte d’effets contradictoires. Les attentats de Paris, entre autres, ont eu des répercussions sur la fin de l’année 2015 à la fois sur le nombre, la fréquentation et les recettes en billetterie des spectacles à la fois à Paris et sur l’ensemble du territoire. L’étude du CNV confirme qu’en novembre 2015, tous les chiffres ont été en baisse, et que les légères hausses de décembre 2015 n’ont pas permis de les compenser. Et c’est précisément grâce à une offre riche et diversifiée tant dans les genres que dans les artistes et les régions – bien qu’elle reste à parfaire – que les spectacles et les spectateurs ont été confortés dans leur élan.

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