Rémunération équitable : désaccords persistants entre producteurs et webradios

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La décision du Conseil Constitutionnel validant l’extension de la licence légale aux webradios n’a pas acté la fin des tensions entre producteurs et éditeurs de services en ligne. Pas plus que la nomination des membres de la Commission Rémunération Equitable par le Ministère de la Culture n’a été le point de départ des négociations sur les barèmes en la matière. Un contexte expliquant de facto que l’application du régime de la licence légale pour les webradios est loin d’être effective.

Les effets de la loi LCAP votée en 2016 – censée instaurer les bases d’un écosystème vertueux pour la musique en ligne – se font attendre. Plus d’un an et demi plus tard, les désaccords entre producteurs de phonogrammes et artistes-interprètes sur la garantie de rémunération minimale comme entre éditeurs de webradios et producteurs quant à l’extension de la licence légale aux webradios restent quasiment intacts. Deux dossiers épineux pour une filière musicale qui s’applique à faire valoir sa capacité à se rassembler, entre autres autour du Centre National de la Musique, et qui sont attentivement suivis par le Ministère de la Culture, la Direction Générale du travail et le Parlement entre autres. L’entretien accordé à CULTUREBIZ par Cécile Durand de Lagardère Active (RFM, Virgin, Europe 1), au salon de la radio et audio digital, à l’initiative du GESTE, a été l’occasion d’un état des lieux sur le dossier des webradios. « C’est un enjeu sectoriel très important, une problématique qui nous préoccupe beaucoup » a déclaré la Directrice des relations institutionnelles et des affaires réglementaires du pôle TV / Radio du groupe qui a souligné « une opposition de principe des producteurs de phonogrammes sur ce régime qui est avant tout une facilité de gestion ».

La légalité de la composition de la Commission contestée

Les producteurs contestent la forme légale de la composition de la Commission Rémunération Equitable établie par le Ministère de la Culture en avril 2017. A cet effet, un recours en annulation de l’arrêté de nomination a été déposé auprès du Conseil d’Etat par la SCPP et la SPPF. « La Commission n’est pas constituée des membres qui peuvent réellement convenir des conditions de règlement de la rémunération équitable puisque seule la SPRE est en mesure de le faire » déclarait Marc Guez, Directeur Général de la SCPP, lors de la conférence de presse annuelle en juin 2017, pour expliquer la position des producteurs. Le Conseil d’Etat étant amené à statuer à ce propos, les producteurs de phonogrammes insistent sur le fait que le régime de droit exclusif reste prééminent. « C’est pourquoi la SCPP continue à autoriser et percevoir auprès des webradios dans le cadre de ses contrats de droits exclusifs » déclarait la société civile lors de son point presse mi-janvier. Face à la persistance des producteurs de faire primer leur droit d’autoriser ou d’interdire, la réaction des éditeurs de services en ligne réunis au sein du GESTE est celle d’un « appel à la raison ». Pour Cécile Durand, « l’absence de visibilité sur des conditions de rémunération raisonnables auprès des créateurs et ayants-droit est du point de vue des éditeurs un frein à la croissance de cette activité ». Or pour l’heure, les producteurs ne siègent pas au sein de la Commission Rémunération Equitable, bien que la SCPP se déclare « disposée à participer aux travaux dès lors que celle-ci sera réunie dans les formes légales ».

Absence de visibilité

Les discussions entre les représentants des éditeurs de webradios (GESTE, SIRTI, SNRL…), des producteurs (SCPP, SPFF) et des artistes-interprètes (SPEDIDAM, ADAMI), sous l’égide de l’Etat, sont au mieux entravées et au pire clairement gelées. « Nos travaux se poursuivent donc en l’absence des producteurs donc d’une partie des bénéficiaires potentiels de cette licence légale. Aujourd’hui nous ne savons pas dans quel calendrier nous allons nous retrouver. Nous espérons pouvoir dialoguer concrètement sur ces tarifs y compris avec les producteurs le plus rapidement possible » a fait savoir la Directrice des relations institutionnelles et des affaires réglementaires de Lagardère Active. Les grandes lignes des demandes respectives des parties prenantes aux négociations concernant les barèmes de la rémunération équitable applicables aux webradios commerciales ne sont pas encore connues. « On ne peut pas dévoiler les éléments d’une négociation, ce serait nous affaiblir » expliquait Marc Guez en juin 2017. Une confidentialité également de rigueur du côté des éditeurs de webradios qui plébiscitent avant tout des conditions économiques raisonnables. Dans l’attente de l’entame des négociations, conditionnée par la participation des producteurs, la Commission Rémunération Equitable se limite à dresser un état des lieux de la réalité économique du secteur des webradios. Une situation qui n’est pas sans rappeler l’état actuel des négociations entre syndicats d’artistes-interprètes et syndicats de producteurs sur la garantie de rémunération minimale sur le streaming.

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