Lieux de musiques actuelles : une disparité des modèles économiques en Europe

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Bien que le secteur du spectacle soit très dynamique en France, un point en commun avec les pays voisins, l’écosystème du secteur à l’échelle européenne est très hétérogène. L’activité des lieux de musiques actuelles fait partie des domaines dans lesquels cette ambivalence se matérialise le plus.

Les chiffres clés des lieux de musiques actuelles au niveau européen, tout juste publiés pour le compte de l’année 2015, mettent aussi bien en exergue la vitalité du secteur que son caractère déficitaire. Ce sont les deux grands axes qui émergent à la lecture de l’étude de Live DMA à partir des données de l’activité d’une dizaine de ses membres réparti dans huit pays européens. La tendance à la hausse des recettes propres constatée pour les scènes de musiques actuelles françaises, suite à la publication des derniers chiffres (2016) de la FEDELIMA en janvier dernier, est observée au niveau européen. Les lieux de musiques actuelles européens étudiés par l’organisation Live DMA, au nombre de 452 sur les 1 100 adhérents répartis entre les dix organisations, ont enregistré 1,06 million d’euros de revenus en moyenne dont environ 45% étaient issus de recettes propres. Les ventes issues de la billetterie ont représenté une part de 27% et celles de la restauration 18%. Les autres sources de financement comprenant notamment le sponsoring et le mécénat ont contribué à hauteur de 20% de leurs recettes. D’après les estimations de Live DMA, les 2 100 lieux de musiques actuelles répartis dans les 17 organisations de 13 pays pesaient plus de 2,24 milliards d’euros en 2015. Autre indicateur non des moindres, les lieux de musiques actuelles européens ont rassemblé 56 millions de spectateurs la même année à l’occasion de plus de 380 000 spectacles entre autres, le tout avec un taux d’entrées payantes de 78%. Le chiffre d’affaires de ces salles, qui pour 48% d’entre elles ont une capacité de moins de 400 spectateurs et qui sont 37% à avoir une capacité comprise entre 400 et 999 spectateurs, et leur nombre de spectateurs cumulés sont des facteurs de leur contribution économique. D’autant que les lieux de musiques actuelles représentent également un certain nombre d’emplois avec près de 50 000 salariés dont 17 000 équivalents temps plein.

La France compte la part de recettes propres la plus faible d’Europe

A l’instar du secteur du spectacle dans sa globalité, la contribution économique des lieux de musiques actuelles est loin d’être synonyme de rentabilité. Si l’on se fie encore aux moyennes, les lieux de musiques actuelles européens adhérents des organisations membres de Live DMA sont en déficit. Avec un total de 2,23 milliards de charges, leurs dépenses sont en effet plus élevées que leurs chiffres d’affaires. Mais à vrai dire, le défaut de rentabilité des lieux de musiques actuelles observé au niveau européen est avant tout dû à la disparité des modèles économiques. L’étude de Live DMA estime que 60% des scènes sont « à but non-lucratif », du fait notamment de leurs missions d’intérêt général à l’instar des scènes labellisées et conventionnées en France. Plusieurs modèles économiques peuvent être distingués dans les pays européens. Le premier est celui des lieux de musiques actuelles dont le modèle économique est très dépendant des subventions, comme c’est le cas en France, en Belgique, au Danemark et aux Pays-Bas. La France est d’ailleurs le pays où les scènes labellisées et conventionnées bénéficient de la part de subventions la plus élevée avec un taux moyen de près de 60% bien que les adhérents de la FEDELIMA soient à 98% des scènes labellisées. Mais c’est aussi là où la part de recettes tirées de la billetterie est la plus faible avec environ 15%. La France compte ainsi la part de recettes propres la plus faible d’Europe avec 25%. D’autres pays avec le même modèle comme la Belgique, où 100% de lieux sont conventionnés, mais aussi le Danemark, en plus d’avoir un taux de subventions de 35% ont une moyenne de 25% de recettes en provenance de la billetterie, tandis que la vente de billets finance les lieux hollandais à près de 40%. Autre modèle économique des lieux de musiques actuelles en Europe, celui de l’Espagne et de l’Allemagne qui ont un taux moyen de subventions inférieur à 10%. Plus de 95% des revenus des lieux de musiques actuelles espagnols sont issus de recettes propres avec un taux de 60% pour la billetterie, tandis que les subventions ne représentent qu’1%, alors que 13% des scènes sont conventionnées et labellisées. Les chiffres sont similaires en Allemagne avec une moyenne de 80% de recettes propres et environ 10% de subventions. Enfin, fidèle à sa réputation, la Suisse est doté d’un modèle singulier avec 40% de revenus autres comprenant le sponsoring et le mécénat, et environ 30% de recettes tirées de la billetterie et des subventions.

 

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