Le Printemps de Bourges, un festival précurseur sur le plan culturel et économique

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Plus de quarante ans après sa création, le Printemps de Bourges continue de développer son attractivité vis-à-vis des publics, des marques et entreprises et des professionnels de la filière du spectacle. D’année en année, le festival qui ouvre la saison en rassemblant près de 80 000 spectateurs confirme que spectacle et business ne sont pas antinomiques. Et pour cause, les synergies entre les deux sont vertueuses, les combinaisons étant faites avec parcimonie.

Le Printemps de Bourges tient une place singulière dans le paysage des festivals et du live. Outre sa dimension historique, son positionnement dans le calendrier en tant que premier festival de musiques actuelles et premier évènement majeur de l’année pour la filière, et son identité artistique jumelée à musique francophone sont autant d’atouts qui entretiennent son rayonnement. Le festival n’est bien évidemment pas imperméable aux mutations du secteur et pour y répondre qu’une véritable refonte de son modèle a été effectuée depuis trois ans. Lors de son rachat par Morgane Groupe en 2013, le modèle économique et la ligne éditoriale du festival manquaient de lisibilité. Un double chantier confié à Boris Vedel dès son arrivée à la direction du festival 2015 : « La priorité était de replacer le Printemps de Bourges au niveau, de retrouver le rayonnement qu’il a toujours eu dans le milieu culturel. On se questionne toujours sur la définition et l’objet d’un festival. Cela passe par trois mots clés : création, découverte, émergence dans sa ligne artistique. Nous avons repensé la ligne artistique en redéfinissant les orientations souhaitées. La 2ème priorité était de renforcer l’impact de l’évènement dans sa ville et auprès de ses spectateurs. En 2018, un festival ne se conçoit pas de la même manière qu’il y a encore quelques années. Il fallait proposer une qualité expérientielle inédite et nouvelle aux festivaliers ».

La diversité de l’offre confortée

Il y a trois ans, Gérard Pont déclarait devant ses pairs que sa préoccupation était de ne pas perdre l’âme du festival en le transformant en un festival trop centré VIP. Un pari qui semble réussi. Le Printemps de Bourges compte un total 150 artistes au sein de sa programmation. « Les ¾ s’y produisent pour présenter leur premier album, et outre les têtes d’affiche ce sont 400 concerts gratuits qui ont lieu dans la ville » détaille son Directeur, qui revendique « un format compliqué mais riche culturellement. Les fondamentaux du Printemps sont toujours aussi bon ». L’édition 2017 a été marquée par un record de fréquentation avec 79 000 spectateurs. « Nous vendons 70 000 billets dans une ville de 60 000 habitants. Le Printemps de Bourges est riche d’une offre variée avec des spectacles pour tous les publics. Nous avons d’ailleurs un public très hétérogène d’après la dernière étude menée en 2016 par le Département du Cher avec une moyenne d’âge située autour de 20 ans, ce qui est un signe de vitalité. Bourges est un festival qui rassemble plusieurs générations tout en renouvelant constamment et en fidélisant les publics, 2/3 des festivaliers étant déjà venus par le passé » commente Boris Vedel. Au-delà de sa programmation attractive avec des têtes d’affiche françaises, le Printemps de Bourges accorde aussi une réelle importance à l’émergence des talents. Un certain nombre de jeunes artistes sont programmés durant le festival. Et aussi, depuis trente ans, Les Inouïs a pour vocation de repérer les talents aux quatre coins du territoire. « Nous sommes fiers d’organiser le dispositif de détection de groupes émergents le plus ambitieux en France. Les Inouïs, c’est 4 000 candidats en octobre puis une première sélection de 150 artistes et groupes en décembre. Dans un second temps, nos 28 antennes situées sur tout le territoire, mais aussi en Belgique, en Suisse et au Québec, organisent une cinquantaine de concerts devant un jury de professionnels qui sont filmés. Et enfin, les représentants des antennes se réunissent pendant quinze jours pour sélectionner 33 artistes. C’est un travail qui s’effectue tout au long de l’année et qui mobilise 350 professionnels » expose le Directeur du Printemps de Bourges. Au total, quinze concerts sont organisés dans cinq villes de France devant 15 000 spectateurs. Et le dispositif est pertinent pour l’exposition et l’accélération de la carrière des jeunes artistes. La programmation 2018 du Printemps de Bourges le démontre on ne peut mieux avec pas moins de 19 artistes labellisés « Inouïs ».

Un point de rencontre entre publics et professionnels

Le Printemps de Bourges réunit toutes les composantes nécessaires au caractère éclectique d’un festival. Il est l’un des plus plébiscités par les publics en particulier pour sa programmation de têtes d’affiche et de révélations, mais aussi par les professionnels pour des meetings et des conférences. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard que la Société Civile des Producteurs Phonographiques (SCPP) ait choisi le festival pour ses premiers concerts organisés afin de donner à une sélection d’artistes produits par ses adhérents. « Les trois ingrédients du succès du Printemps sont sa saisonnalité, parce que l’on ouvre la saison des festivals et que l’on a la prétention d’annoncer la couleur artistique de l’année, son ancrage dans le territoire et sa dimension professionnelle, et la richesse de son offre de concerts et d’évènements » se targue Boris Vedel. Une telle concentration de publics captifs, liés par l’intérêt pour la musique, qui sont également des consommateurs avec un consentement à payer, suscite évidemment l’intérêt des marques et entreprises de renom. Et cette volonté des marques d’associer leur image aux festivals de musiques actuelles est évidemment la bienvenue pour les organisateurs. Les festivals concernés par des baisses substantielles de subventions de la part des collectivités territoriales pour cause d’économie et de restrictions budgétaire ont dû adapter leur modèle économique. Etant donné le peu de marges de manœuvre pour augmenter leurs recettes propres, développer les apports en sponsoring et en mécénat est au centre de leurs priorités depuis quelques années. Le Printemps de Bourges a donc, comme de nombreux grands festivals de musiques actuelles, été confronté à cette problématique.

Un budget consolidé par le sponsoring

Avec un budget de 6 millions d’euros en 2018, soit 1 million d’euros de plus qu’il y a cinq ans, le Printemps de Bourges est parvenu à s’adapter aux nouvelles contraintes sur le plan financier. « Le budget du festival respectait la traditionnelle règle des 3/3 entre subventions, recettes propres et partenariats. Aujourd’hui, les financements publics ont baissé avec une part autour de 25%, tandis que le sponsoring est monté à 40%. Nous avons perdu un montant significatif de subventions mais nous l’avons compensé avec de nouveaux apports en sponsoring. C’était une baisse que nous avions anticipée et que nous n’avons donc pas eue à subir » explique Boris Vedel. La garantie offerte par les marques et les entreprises pour les budgets des festivals va toutefois de pair avec de nouvelles exigences vis-à-vis des organisateurs. Les attentes des entreprises et des marques en matière d’évènementiel ont évolué en même temps que les stratégies de communication et que les habitudes de consommation. Une mutation qui a conduit l’équipe du Printemps de Bourges à revoir ses services pour ses partenaires, d’après son Directeur : « on a beaucoup investi dans les prestations d’accueil de nos partenaires avec 1 200m² d’espaces qui leur sont dédiés. Les marques sont de plus en plus visibles dans les festivals, aujourd’hui elles veulent une activation pertinente. Généralement, les marques se justifient soit à travers l’aura du festival, soit par le confort proposé aux festivaliers. Quant aux autres entreprises, la majorité ne viennent pas pour de la visibilité BtoC mais pour de la prestation évènementielle. Nous avons donc dû développer toute une expertise et un savoir-faire pour les accueillir avec leurs propres clients et faire en sorte que tous vivent une expérience de qualité sans perdre le cadre de convivialité qui fait la réputation du Printemps ». Les efforts fournis par le Printemps de Bourges pour répondre aux attentes des entreprises et des marques procurent des résultats en termes de satisfactions et de fidélisation. 130 entreprises composent son portefeuille de partenaires, avec un ticket moyen de 12 000 euros. Il faut dire que le Printemps de Bourges-Crédit Mutuel est également un festival précurseur en matière de sponsoring, depuis la signature d’un contrat de naming avec « la banque qui donne le LA » en 2011, prolongé en 2014 puis en 2017 pour cinq ans jusqu’en 2022. Depuis, le festival a développé plusieurs partenariats avec des marques importantes. Le montant du contrat de naming avec le Crédit Mutuel est encore confidentiel. Mais l’apport de chacun des quelques « principaux partenaires » s’élève à plus 100 000 euros. Un ticket d’entrée pour accéder à un vivier de 70 000 festivaliers des concerts payants, et à 200 000 spectateurs en comptant les concerts gratuits, soit quasiment autant de consommateurs et clients potentiels.

Surcoûts liés à la sécurité / sûreté

La consolidation du modèle économique est aussi une nécessité pour les festivals de musiques actuelles pour répondre à un certain nombre de surcoûts. Le Printemps de Bourges ne fait pas figure d’exception. Les principaux postes de dépenses du festival concernent l’artistique, les salaires des équipes, du fait de l’absence de bénévoles, les prestataires techniques et la sécurité / sûreté. Au-delà de l’augmentation des cachets des artistiques à propos de laquelle Gérard Pont, Président de la société organisatrice du Printemps de Bourges et des Francofolies, monte régulièrement au créneau, la sécurité / sûreté concentre l’essentiel des surcoûts. Ce poste de dépenses représente plusieurs centaines de milliers d’euros au sein du budget du Printemps de Bourges. « Nous avons constaté une augmentation de l’ordre de 30% pour les coûts de sécurité et de sûreté » confirme Boris Vedel. Le fonds d’urgence, d’un montant de 14,3 millions d’euros en 2016, avait justement été créé pour soutenir les producteurs et diffuseurs faisant face à des difficultés en la matière. Pour le Printemps de Bourges, l’enveloppe de 40 000 euros allouée avait permis de couvrir la quasi-totalité des surcoûts liés à la sécurité. Mais la fusion du fonds d’urgence avec le Fonds Interministériel de Prévention de la Délinquance (FIPD) a de quoi inquiéter les professionnels du spectacle quant au maintien des montants alloués par l’Etat et aux conditions associées. Du côté du Printemps de Bourges, l’on souligne que « L’Etat a aidé les producteurs dès le départ mais il estime que ce surcoût est maintenant acquis. Mais s’il se désengage, ce surcoût deviendrait définitif. Or les standards de sécurité sont maintenant rentrés dans les mœurs et le public verrait d’un très mauvais œil le fait de ne plus les voir en place ». Et pour cause, l’une des spécificités du festival est de combiner spectacles payants et spectacles gratuits pour conforter sa dimension populaire et tous publics. Mais, comme il n’a de cesse de le faire, le Printemps de Bourges s’adaptera tout en maintenant l’exigence et la proximité qui font sa réputation tant sur le plan économique que sur l’artistique.

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