Les entrepreneurs du spectacle à l’épreuve du crédit d’impôt

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Nouveauté pour le secteur du spectacle musical, le crédit d’impôt a été l’objet de plusieurs échanges aux rencontres professionnelles du Printemps de Bourges. L’occasion d’en aborder les multiples attentes, enjeux et résultats, plus de six mois après son entrée en vigueur.

Le crédit d’impôt accordé au spectacle musical n’est pas encore acquis pour la filière et ce à différents niveaux. Le dispositif s’accompagne de conditions assez strictes imposées par la Direction Génération de la Création Artistique. Notamment, outre la nécessité de supporter les frais de création (résidences, répétitions, achat et location de matériels, etc.), le plafond de 12 000 spectateurs, par spectacle, comptabilisé sur les trois dernières années. « Le seuil de 12 000 spectateurs peut paraître absurde mais nous ne sommes pas souples du tout là-dessus » a insisté Cécile Jeanpierre, de la délégation à la musique au sein de la DGCA. La Direction Générale de la Création Artistique fait preuve de fermeté sur le crédit d’impôt spectacle musical. Dès lors que ces premières conditions sont réunies, il est demandé aux entrepreneurs du spectacle d’attester non seulement que 50% des dépenses seront engagées sur le territoire français, mais aussi de la fréquentation des salles où l’artiste ou le groupe s’est produit ou encore de renouveler le respect du plafond de 12 000 spectateurs. S’y ajoutent une demande des contrats d’artistes et des comptes certifiés par un expert-comptable en plus des moyens de financement. Une rigueur que justifie Cécile Jeanpierre : « On a conscience que c’est compliqué, mais c’est important que l’on voit qu’il y a des efforts qui sont fournis. Des agréments provisoires ont été refusés par manque de justificatifs des frais de création. Lors de la présentation de l’agrément provisoire aux services fiscaux, un contrôle est effectué. Nous devons donc filtrer au maximum, parce qu’en cas d’indu, une pénalité de 4% est appliquée en supplément. J’ai eu des retours d’un expert-comptable et il y a effectivement eu des contrôles systématiques ».

630 agréments provisoires

Malgré toutes ces conditions, les premiers résultats du crédit d’impôt se profilent pour le secteur du spectacle musical. Alors qu’il est entré en vigueur en septembre 2016, avec un effet rétroactif au 1er janvier, ce sont pas moins de 850 dossiers qui ont été réceptionnés par la DGCA en 2016. Depuis janvier 2017, 240 demandes de crédit d’impôt ont été adressées. Cécile Jeanpierre, de la DGCA, a fait savoir que 630 agréments provisoires avaient été accordés, mais que bon nombre n’ont pu l’être en raison de dossiers incomplets. Certains entrepreneurs du spectacle ont lors de la conférence du SMA au Printemps de Bourges fait part de leur satisfaction vis-à-vis du dispositif. D’après Hélène Fourrage de Muz’Asik, ce sont pas moins de 20 000 euros qui devraient être récupérés grâce aux crédits d’impôts accordés sur deux projets, ce qui devrait représenter 30% de ses dépenses. Elle a d’ailleurs estimé au passage que le plafond des 12 000 n’est pas tant à portée de main qu’il en a l’air : « même avec des artistes qui ont très bien tourné, on n’arrive pas rapidement aux 12 000 entrées bien que les festivals, premières parties et concerts gratuits en plein air sont exclus. ». Une position que ne partage pas tout à fait le syndicat national des producteurs, diffuseurs et organisateurs de festivals. Le Prodiss réclame en effet le rehaussement de ce plafond, son Président Luc Gaurichon ayant fait savoir lors d’une de ses dernières interventions que cela « ne représente qu’une trentaine de dates à 400 entrées, ce que font de nombreux artistes pourtant toujours en développement ». La chargée de mission au sein de la DGCA a d’ailleurs justifié ce plafond par une volonté « d’éviter que des artistes qui marchent très bien bénéficient d’un crédit d’impôt ».

Pérennisation

Les producteurs de spectacle s’impatientent des retombées concrètes du crédit d’impôt. Durant la conférence du Prodiss, Thierry Langlois de Uni-T a rappelé que l’on pourra en constater les effets sur l’activité des entreprises à partir de l’année prochaine : « On est impatient de vivre une ou deux années avec ce crédit d’impôt. Mais il va falloir le faire évoluer. Il reste à parfaire si on veut l’orienter vers les jeunes et nouveaux artistes. L’enjeu est donc à sa sécurisation, qui va permettre de sauvegarder des emplois ». Cécile Jeanpierre a rappelé qu’aucune limite de temps n’a été associée au crédit d’impôt, sans pour autant apporter une quelconque garantie. Il faut dire qu’avant même l’évolution du dispositif, c’est sa pérennité qui se trouve en jeu qui plus est dans le contexte de renouvellement ministériel et parlementaire actuel. Pour l’heure, les perspectives sont d’ores-et-déjà significatives. « On est sur des leviers de financement conséquents. Ces 30% de crédit d’impôt vont permettre de combler les salaires du personnel en charge de l’administration. Cette année on va sûrement récupérer 40 000 euros sur un chiffre d’affaires annuel de 200 000 euros » évalue Benoît Rossi de Salamah productions. Ce envers quoi le prochain Gouvernement devra se montrer attentif et sensible. Il sera néanmoins sollicité de toute part. D’autres entrepreneurs du spectacle, notamment avec l’appui du SNES, réclament la mise en place d’un crédit d’impôt pour le théâtre.

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