Denis Ladegaillerie – Believe : « Notre capacité à apporter les meilleurs services avec flexibilité et transparence nous rend plus attractifs et concurrentiels »

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Denis Ladegaillerie, Président-Directeur-Général de Believe

L’émergence de la consommation de la musique en ligne permise et impulsée par les nouvelles technologies n’a pas été sans impact sur la production et l’exploitation de la musique. L’industrie musicale est maintenant dans un duopole avec un modèle historique de la production et distribution et un nouveau modèle, celui des services. Believe incarne l’alternative. Les artistes ont et auront encore besoin de services pour le développement, la distribution ou le marketing. Et c’est parce que sa palette de services converge constamment avec les besoins des artistes et avec les relais de croissance sur le digital que Believe est le premier acteur indépendant dans de nombreux de pays. Dans un entretien à CULTUREBIZ, Denis Ladegaillerie, Président-Directeur-Général de Believe, dévoile la stratégie, la valeur ajoutée et les orientations déployées pour consolider sa position et se renforcer sur les principaux marchés comme sur les marchés émergents.

CULTUREBIZ : Quels sont les indicateurs qui traduisent le positionnement de Believe sur le marché ?

Denis Ladegaillerie : Notre part de marché sur les différents genres de musique est l’indice le plus important pour nous car il reflète notre capacité à accompagner des artistes et des labels à tous les niveaux de développement. Sur les segments de musique très digitaux, notre objectif est d’être le premier acteur indépendant dans chaque marché, ce que nous sommes aujourd’hui aux États-Unis, en Europe et dans les pays émergents.

En France, nous nous sommes concentrés sur les marchés très digitaux sur lesquels notre expertise digitale nous permet d’accompagner les artistes et les labels avec la qualité de service la plus élevée du marché.

Avec une quarantaine de bureaux à travers le monde, y compris sur les pays émergents, nous avons la présence internationale la plus développée. Aux États-Unis, TuneCore est le premier service à destination des artistes en développement et continue à croître à un rythme proche de 30% par an. Le digital domine désormais dans la plupart des pays du monde : nous avons une expertise plus forte et notre capacité à apporter les meilleurs services, avec plus de flexibilité, de réactivité et de transparence nous rend plus attractifs et plus concurrentiels. A la rapidité avec laquelle bascule le marché, dans tous les genres de musiques, le digital représentera plus de 70% des revenus des artistes et cela nous met en position de croître fortement. Pour 2018, notre croissance sera proche de 40% avec un mélange de croissance organique et d’acquisitions.

« 70% de notre CA provient de nos activités directement en lien avec les artistes et non pas d’accords de distribution avec des labels »

Les services proposés aux artistes et aux labels indépendants ont décuplé. Les majors ont fait évoluer leurs services pour regagner en attractivité auprès des artistes dont les projets nécessitent une approche plus souple ou une intervention à différents niveaux. De nombreux outils de monitoring permettent maintenant aux labels indépendants de déployer une stratégie marketing plus aboutie et d’en suivre les effets. Pouvez-vous détailler l’approche de Believe en la matière ?

L’adoption du streaming élargit le marché. L’industrie évolue dans deux directions : la distribution d’un côté et les activités de services aux artistes de l’autre. Notre activité de distribution de labels qui représentait 70% de notre chiffre d’affaires global représente environ 30% aujourd’hui. Cette activité est toujours en croissance dans tous les pays du monde mais nous avons connu une croissance explosive de la distribution et des services aux artistes, en particulier sur des segments très digitaux comme le hip hop.

En France, les stratégies sur l’urbain sont très différentes de celles pour la variété, et les audiences des plateformes sont très disparates en fonction des genres et les labels ont besoin de services d’accompagnement. Les revenus des artistes issus du streaming étant toujours plus importants, de plus en plus d’artistes et de labels viennent nous voir quand ils constatent cette bascule et comprennent l’importance d’être accompagnés. Sur l’urbain, les artistes en développement signés dans les labels ont toujours besoin qu’on leur apporte de l’expertise. Le niveau de conseil qu’on a apporté aux artistes et en particulier sur l’urbain est très élevé parce qu’il y a très peu d’artistes qui ont intégré eux-mêmes l’ensemble de compétences dont ils ont besoin pour se développer : chef de projet, responsable marketing, responsable de droits, etc. Nous constatons aussi que des labels qu’on a accompagnés il y a quelques années se sont développés, ont intégré cette expertise qu’on leur a transmise. Believe passe alors dans certains cas d’un rôle de conseil à distributeur plus classique. Mais sur l’ensemble des autres artistes qui ne sont pas structurés de cette manière, il faut travailler avec eux pour les aider à développer leur audience, à se positionner dans le paysage musical, à être créatif pour leur promotion, à avoir une stratégie pour la sortie des titres etc. Les artistes et labels ont besoin et du relationnel, et de l’expertise que l’on a sur le fonctionnement des plateformes et des acteurs traditionnels. Aujourd’hui, 70% de notre CA provient de nos activités directement en lien avec les artistes et non pas d’accords de distribution avec des labels.

Comment se détaillent les investissements faits actuellement par Believe pour consolider son positionnement sur le marché ?

Les investissements sont multiples. Tout d’abord nous continuons à faire énormément d’investissements technologiques et techniques liés à la construction de la plateforme, de l’intelligence et de l’analyse de la donnée. La maitrise de la donnée étant essentielle pour développer les artistes, une équipe de 20 personnes y est dédiée. Les 2ème et 3ème segments sont les investissements humains avec le recrutement et la formation. Nous avons récemment recruté plus d’une centaine de personnes, soit pour nous aider au marketing ou en promotion soit pour gérer les artistes. Entre les acquisitions et les investissements prévus, ce sont entre 300 et 400 personnes qui vont intégrer le groupe d’ici le courant de l’année 2019. Nous passons également beaucoup de temps sur les processus de formation de tous les chefs de projet et les label managers, afin d’avoir les équipes les mieux formées pour accompagner au mieux les artistes. Les investissements humains sont donc les plus importants. Enfin, nous faisons aussi des investissements sur le marketing pour participer à la production de clips, de morceaux, d’opérations de promotion, etc. C’est aussi un poste de dépenses important puisque sur la plupart des accords passés, nous allons préfinancer ou cofinancer une partie des dépenses marketing. Ces investissements marketing se comptent en dizaines de millions d’euros par an.

« Notre modèle est et restera un modèle de services. Believe veut être très différent du modèle traditionnel et non pas le répliquer. »

Vous avez créé la surprise en septembre dernier avec une prise de participation au sein de Tôt ou tard, qui produit les albums et tournées d’artistes comme Vianney, Shaka Ponk ou Yael Naim. Cette diversification annonce-t-elle l’adoption d’une stratégie 360 ?

Notre mission est d’offrir le meilleur service aux artistes et aux labels de manière indépendante, juste et transparente. Cela signifie offrir un service adapté à des top artistes aussi bien qu’à des artistes en développement. Nous voulons pouvoir offrir un service tel que TuneCore à des artistes en développement qui ont simplement besoin d’être distribués et aussi le niveau de service et d’accompagnement le plus élevé possible. Sur le développement d’artistes, nous sommes convaincus depuis longtemps que le modèle développé par Vincent Frèrebeau est le meilleur modèle : offrir à un nombre d’artistes très limité un niveau d’accompagnement personnalisé exceptionnel.

Sur le développement d’artistes, nous avons fait le même choix de développer des petites équipes pour accompagner complètement les artistes. Notre savoir-faire digital nous permet de mettre en œuvre les premiers leviers de développement de l’artiste ; les concerts, la vidéo, nos relations avec les services et les marques sont les autres leviers que nous utilisons car avoir une approche globale est le seul moyen de servir au mieux les artistes. Believe met en œuvre ce modèle sur un certain nombre de pays dont la France à une petite échelle dans le cadre de partenariats, comme celui que nous venons d’annoncer avec Vincent mais nous ne prévoyons pas une montée en puissance forte sur ce modèle. 

Sur notre cœur de métier, les services aux artistes, notre modèle est, et restera un modèle de services. Believe veut être très différent du modèle traditionnel et non pas le répliquer. Nous ne sommes pas producteurs des œuvres, nous préférons que l’artiste reste propriétaire de ses œuvres. Parfois on a des artistes qui nous approchent, qui n’ont pas trouvé de labels, nous on pense qu’il y a un potentiel et donc sur ce type d’artistes on va être amené à faire du développement. Toute l’expertise qu’on a développée avec notre savoir-faire et notre expérience comme le succès de Petit Biscuit, nous permet de développer des artistes et les faire se hisser dans le Top 10 des artistes locaux. L’an dernier, nous avons contribué à l’émergence de dizaines d’artistes dans le top 5 grâce à nos stratégies sur YouTube, sur Spotify, mais aussi à des partenariats, des investissements, et ce dans le monde entier.

« Nous n’avons aucune discussion stratégique en vue d’une cession de Believe »

Believe a été au centre des attentions en 2017 suite à des rumeurs de rachat par Sony. Pouvez-vous clarifier les orientations de Believe concernant les opérations financières qui pourraient intervenir à court et moyen terme ?

Les équipes et le management de Believe et de TuneCore sont concentrés sur notre mission : offrir le meilleur service aux artistes et aux labels de manière indépendante, juste et transparente. Nos actionnaires sont complètement alignés avec notre objectif. Nous avons la capacité d’autofinancer en intégralité notre développement organique ainsi qu’une grande partie de nos acquisitions.

Nous sommes en recherche très active d’investissements et d’opportunités sur l’ensemble de nos activités (distribution, services aux artistes et développement d’artistes) dans tous les pays du monde et en particulier en Europe et dans les pays émergents. Nous avons récemment annoncé des investissements importants dans tôt Ou tard en France et dans NuclearBlast en Allemagne. Nous avons des discussions actives avec d’autres sociétés qui partagent notre mission et nos valeurs de service, d’équité et de transparence.

Nous n’excluons bien sûr pas de lever des financements additionnels si nous avons des opportunités d’acquisition importantes ; nous avons la chance d’avoir des investisseurs qui nous soutiennent et qui ont des capacités d’investissement significatives pour nous accompagner. C’est exactement ce qui s’est passé en 2017 : nous étions en discussions avec des fonds d’investissements pour financer plusieurs acquisitions importantes et cela a contribué à déclencher les rumeurs de cession à Sony. Je croise encore parfois des labels qui nous demandent si nous sommes une filiale de Sony : la réponse est bien évidemment non ! Nous n’avons aucun lien avec Sony.

Notre mission est claire : offrir le meilleur service aux artistes et aux labels de manière indépendante, juste et transparente; nous avons le soutien de nos actionnaires pour l’accomplir. Nous n’avons aucune discussion stratégique en vue d’une cession de Believe et nous n’avons aucune volonté d’en avoir.

 

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