La Commission Européenne réaffirme son ambition de corriger le transfert de valeur

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Outre la mise à l’honneur du leadership européen dans la musique en ligne, l’inauguration de Digital Music Europe a surtout été pour la Commission Européenne l’occasion d’une clarification. La mise en place d’un écosystème vertueux pour corriger le transfert de valeur est la priorité absolue de Bruxelles pour les industries de la Culture. Et c’est pour illustrer un engagement clair du côté de la création et des acteurs vertueux de l’économie que la Commission Européenne hausse le ton vis-à-vis des plateformes.

Concilier intérêt des consommateurs et intérêt des acteurs des industries de contenus. C’est l’orientation principale prise par la Commission Européenne dès les prémices de la construction du marché unique numérique. Les déclarations respectives l’ont régulièrement rappelé, que ce soit l’an dernier lors de la présentation de la proposition de directive sur le droit d’auteur ou au printemps lors de l’annonce d’un accord sur la portabilité des abonnements. Et les interventions de cadres de la DG CONNECT et de la DG EAC n’ont pas fait exception à Bruxelles au lancement de l’alliance des plateformes européennes. « Notre volonté est de faciliter l’accès et l’utilisation des contenus dans l’environnement numérique et d’instaurer des règles de concurrence claires pour les acteurs » a martelé Manuel Mateo, membre du cabinet de Mariya Gabriel, Commissaire à l’économie et la société numériques. Même son de cloche du côté de la DG EAC, Michel Magnier ayant insisté sur le fait que « le transfert de valeur est évidemment une préoccupation majeure », et sur la nécessité de « clarté sur les obligations de certains services en ligne ». « Plus personne ne croit au discours selon lequel les plateformes ont un rôle passif. Ce sont des éditeurs de contenus et elles doivent être traitées de la sorte. Nous n’avons jamais cru que le copyright était obsolète contrairement aux dires de certains. Nous avons toujours cru que c’était le socle de l’écosystème de la culture » a insisté le Directeur de la Culture au sein de la DG Education and Culture.

Rémunération pour l’exploitation des œuvres

La question de la régulation du marché, dont dépend évidemment la correction du transfert de valeur, est centrale pour la Commission Européenne. L’objectif affiché est clairement de « garantir que les créateurs et les acteurs de l’industrie puissent mieux contrôler l’exploitation de leurs contenus et qu’ils soient justement rémunérés ». Pour ce faire, la Commission Bruxelles veut « renforcer la position des ayants-droit de négocier et d’être rémunérés pour l’exploitation des œuvres par les plateformes » a précisé Manuel Mateo. Une position qui converge, au moins dans la forme, avec les demandes des représentants des auteurs (Society of Audiovisual Authors) et des artistes-interprètes (AEPO-Artis) d’une rémunération proportionnelle à l’exploitation des œuvres. Mais cette prérogative ne figurait pas dans le projet de directive de la Commission Européenne. L’approche est tout autre avec une proposition qui « se concentre sur la relation entre les créateurs et leurs partenaires, de sorte à corriger le manque de transparence dans les rapports contractuels » a tranché Manuel Mateo. Le projet de directive du droit d’auteur de la Commission Européenne est considéré comme ambitieux par la DG CONNECT comme par la DG Education And Culture, notamment parce que des garanties sont apportées aux créateurs en matière de rémunération. Pour le responsable entre autres du copyright au cabinet de la Commissaire Mariya Gabriel, « la proposition de la Commission instaure la possibilité de rééquilibrer les contrats quand la rémunération des créateurs est disproportionnée à la valeur générée par l’exploitation des œuvres ». Néanmoins, la Commission Européenne reste pour l’heure on ne peut plus neutre sur la rémunération proportionnelle à l’exploitation des œuvres sur les plateformes que viseraient à instaurer certains travaux du Parlement Européen. « C’est trop tôt pour la Commission Européenne de prendre position sur cette proposition. C’est différent que ce que nous avions proposé, cela va plus loin que la relation contractuelle entre les créateurs et leurs partenaires. D’autant que nous avons compris que cela va engendrer la négociation de nouveaux accords de licences avec les organismes de gestion collective » a fait savoir Manuel Mateo de la DG CONNECT.

Responsabilité des plateformes, distorsions de concurrence

Malgré une certaine réserve sur la rémunération proportionnelle à l’exploitation des œuvres pour les créateurs, la Commission Européenne penche clairement en faveur de la modification du statut d’hébergeur. Les plateformes américaines, avec en tête de liste YouTube et Google, sont plus que jamais dans le collimateur de Bruxelles. « La cible de notre intervention, ce sont les plateformes qui exploitent les contenus mis en ligne. Nous avons besoin de mieux coopérer avec les ayants-droit, de mettre en place des mesures proportionnelles aux enjeux comme des technologies de reconnaissance des contenus et de limiter l’utilisation des contenus par des utilisateurs non titulaires des droits » a asséné Manuel Mateo. Le cabinet de la Commissaire à l’économie et la société numérique a ainsi rappelé aux dirigeants des plateformes de streaming européennes à Bruxelles sa volonté d’instaurer un écosystème « juste, fiable et pérenne ». Une orientation qui nécessite notamment de corriger les distorsions de concurrence. Ce sur quoi se penche la Commission Européenne qui revendique des principes visant à « garantir la transparence » mais aussi la « croissance des plateformes sur le long terme ».

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