Christophe Sabot – Olympia Production / CSTAR : « Nous avons comme objectif premier de participer au développement des talents et de la culture »

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Christophe Sabot, Directeur Général d’Olympia Production

Un nouveau cap a été franchi par Vivendi avec la mise en orbite d’Olympia Production. La production de spectacles et l’organisation de festivals complètent et renforcent le positionnement du groupe dans le secteur de la musique. Leader de l’industrie musicale en France et bien sûr dans le monde avec Universal, la structure dédiée produit les tournées d’artistes en développement et confirmés, les propose pour qu’ils soient programmés au sein des festivals organisés et capte aussi certains spectacles produits pour qu’ils soient diffusés sur CSTAR ou C8. Il ne s’agit néanmoins pas d’une mainmise sur le marché du live au bénéfice exclusif des artistes signés chez Universal. Les principales orientations prises lors de son arrivée dans le secteur du spectacle sont de créer de la valeur à l’échelle locale en développant des artistes et en faisant croître des festivals ailleurs que là où la concurrence est concentrée, et de développer des synergies à l’échelle internationale. Autant d’axes détaillés par Christophe Sabot, Directeur Général d’Olympia Production dans une interview exclusive à CULTUREBIZ. L’homme de médias et en parallèle Directeur Général de CSTAR s’exprime aussi sur le sujet de l’exposition de la musique à la télévision.

CULTUREBIZ : Quel a été le postulat de départ lorsque Vivendi a décidé de déployer une activité dans le secteur du spectacle avec Olympia Production ? Est-ce que cela s’intègre dans une pure stratégie de diversification du groupe ou plutôt dans une approche globale visant à consolider le leadership du groupe dans le secteur de la musique, et dans le contexte ultra-concurrentiel marqué par la montée en puissance de Live Nation, Lagardère, Fimalac et AEG ?

Christophe Sabot : Le groupe Vivendi est un des acteurs culturels les plus importants de ce pays. Nous sommes dans les secteurs de la musique avec Universal Music Group, de l’audiovisuel et du cinéma avec Canal+ et Studiocanal, dans le jeu vidéo avec Gameloft et désormais dans l’édition avec Editis. Le monde du spectacle n’est pas non plus étranger à Vivendi avec L’Olympia. Nous avons des liens fondés sur la passion, l’amour que nous avons pour les talents ainsi que l’accès à la culture et son développement. C’est ancré dans l’ADN du groupe. Mais contrairement à ce que l’on pourrait penser, avec Olympia Production nous ne sommes pas partis d’une stratégie préétablie, en réalité cela s’est fait au fil de l’eau du fait de rencontres humaines extrêmement enrichissantes. Nous nous sommes intéressés au développement d’artistes avec des talents désireux d’être accompagnés pour leurs spectacles et tournées. Nous avons comme objectif premier de participer au développement des talents et de la culture qui sont indispensables et fondamentaux. Olympia Production est le fruit de discussions en interne au sein de Vivendi. Il y avait une méconnaissance du métier de producteur de spectacles dans le groupe puisqu’il n’y avait pas de structure dédiée. Il fallait s’y intéresser. Le spectacle vivant prend une place de plus en plus importante en particulier dans l’économie de la musique. Nous ne nous sommes pas posé la question par rapport à d’autres acteurs. Sous la direction de Simon Gillham, Président de Vivendi Village, nous avons démarré progressivement en multipliant les expériences, et en construisant pas à pas cette société.

Pour les festivals également, il n’y avait pas de mantra de départ. Les festivals que nous avons rachetés ou au sein desquels nous sommes rentrés au capital ont tous la même spécificité. Ils ont été créés par des femmes et des hommes qui sont sur le terrain depuis des années, entre 15 et 20 ans, qui ont un ancrage local hors du commun, et sont des entrepreneurs. Nous avons pris des participations et racheté des festivals qui étaient dans des profils économiques bénéficiaires mais auxquels nous apportons et apporterons un soutien logistique et financier importants pour qu’ils se développent et perdurent. L’économie des festivals est positive. Et nous sommes dans un cadre de développement qui correspondra à l’envie des fondateurs.

« La multiplicité des activités ne fait aucunement de Vivendi un groupe qui travaille uniquement sur du 360 »

Comment s’organise l’activité d’Olympia Production et quels en sont les indicateurs symboliques ?

Nous avons développé cette société sur quatre piliers. Le premier est la musique avec les concerts et tournées, le deuxième est l’humour, le troisième est fondé sur les festivals et le quatrième est la production audiovisuelle. Quand nous avons démarré la production de spectacles, nous n’avions pas en tête de rentrer dans le circuit des festivals. La musique, comme l’humour, sont des piliers de développement. Nous savons que c’est lorsque les artistes que l’on a aidés à éclore deviennent matures que notre investissement devient rentable. Nous avons donc agi de manière raisonnée et raisonnable en faisant d’abord et avant tout des choix artistiques forts. Et au fil des mois, la musique s’est construite avec un catalogue aujourd’hui composé d’une trentaine d’artistes et basé sur le développement.

La production audiovisuelle porte sur la captation de spectacles, sur des contenus courts diffusés sur les plateformes et sur des programmes diffusés en télévision. Un certain nombre de nos artistes arrivent à maturité et nous allons faire des captations qui seront diffusées sur Canal+, C8, CSTAR et Comédie+ qui sont des chaines du groupe Vivendi car nous faisons jouer une logique de groupe, sans pour autant le faire de manière exclusive et enclavante. Il y a aussi d’autres programmes plus importants en développement sur des formats de 26, 52 ou 90 minutes notamment sur le pôle humour. Ce sont des accompagnements que nous sommes en train de mener, et là aussi, c’est de l’investissement.

Notre priorité, ce sont les jeunes talents. Après environ trois années d’exploitation, nous sommes arrivés au résultat d’une entreprise qui aide au développement et à l’éclosion de nouveaux talents dans la musique, l’humour, le cinéma et l’audiovisuel. Nous avons produit un peu plus de 1 200 spectacles par an, ce qui équivaut à plusieurs centaines de milliers de billets, et la musique représente entre 65 et 70% de notre activité. Nous ne communiquons pas de chiffres financiers. La multiplicité de ces activités ne fait aucunement de Vivendi un groupe qui travaille uniquement sur du 360.

« Les fondamentaux seront les mêmes pour les investissements à venir concernant les festivals »

En parallèle d’Olympia Production en France a été lancée la structure U Live en Angleterre. Des synergies sont-elles à prévoir avec les structures implantées dans d’autres pays, comme U Live ou les salles Canal Olympia en Afrique pour exporter les artistes made in France ?

Nous avons d’ores-et-déjà plusieurs artistes qui tournent dans les salles et festivals à l’étranger comme Tshegue ou Bagarre. Le booking et la production exécutive du festival Mawazine qui a lieu fin juin à Rabat (Maroc) nous ont été confiés. Nous avons proposé certains de nos artistes et Dadju est dans la programmation de l’édition 2019 par exemple. Les salles Canal Olympia, présentes en Afrique, une douzaine à ce jour et une vingtaine d’ici la fin de l’année, sont extrêmement importantes. C’est de notre responsabilité de proposer à nos artistes de se produire dans d’autres pays et d’autres cultures. C’est ce que nous faisons en Angleterre avec le festival Le Crxssing à Londres. C’est un échange entre les cultures française et britannique. Eddy de Pretto et Tshegue s’y sont produits. Si le développement est principalement centré aujourd’hui sur l’Afrique où nous avons investi les premiers de manière rapide et massive, nous allons également poursuivre le travail avec U Live, dirigée par Sally Davies qui est à la tête de cinq festivals remarquables. Nous allons avancer avec elle sur le croisement de nos plateaux d’artistes et de nos festivals, peut-être le croisement des marques.

Le rachat du festival Garorock par Vivendi à l’automne dernier était une surprise. Est-ce que cette opération acte le déploiement d’une stratégie progressive avec plusieurs acquisitions de festivals ?

Nous ne travaillons pas avec un calendrier mais avec des rencontres. Dès le départ nous nous sommes dit que nous ferions des développements en régions et que ce qui nous intéressait était la diversité des territoires. C’est ce que nous avons fait. Les dirigeants des festivals en sont les véritables acteurs et nous apportons des soutiens logistiques et financiers. Qui pourrait faire un meilleur travail avec les Déferlantes que David Garcia ou Ludovic Larbodie avec Garorock ? Ce dernier était demandeur de passer un cap et ce cap nous avons voulu le franchir avec son équipe. Ce que je peux dire, c’est que concernant de tels investissements à venir, les fondamentaux seront les mêmes. Nous travaillons avec des femmes et des hommes avec qui nous partageons les mêmes valeurs, les mêmes ambitions.

« Un programme dédié à la musique doit être extraordinaire et dans une diffusion exclusive pour être regardé »

Comment s’articule la présence de la musique sur la chaine CSTAR et quels en sont les points forts en termes de programmation et d’audiences ?

La place de la musique est fondamentale sur CSTAR, qui est autant dédiée aux nouveaux talents et aux carrières installées qu’au patrimoine de la musique. Nous allons d’ailleurs diffuser prochainement un documentaire sur les 40 ans d’un certain album de Francis Cabrel. Il y a une grande diversité sur la chaine qui programme environ une trentaine de primes dédiés à la musique par an, diffuse les Grammy Awards, et cette année nous avons prévu de produire une dizaine de documentaires musicaux. Cette chaine est la seule qui soutient et promeut autant les festivals avec notamment les Vieilles Charrues, les Eurockéennes, Musilac, ou encore le Main Square. Et nous avons vocation à renouveler les programmes. La musique est dans l’ADN de la chaine et représente 60% des programmes. CSTAR a signé un accord exclusif avec le Syndicat National de l’Edition Phonographique (SNEP) pour diffuser le Top streaming et le Top album. Le Top album, diffusé le vendredi et rediffusé le samedi matin, est la 1ère émission musicale en France. C’est la 1ère chaine sur cette case devant toutes les autres avec une PDA entre 3 et 4% sur les 4 ans et plus, et la chaine réalise de grosses parts d’audience jusqu’à 11 ou 12% sur les valeurs qui intéressent le marché publicitaire que sont les 15-24 ans et les 25-49 ans.

L’exposition de la musique à la télévision est une préoccupation des professionnels de la filière musicale, et en particulier des producteurs. C’est une fenêtre indispensable pour que des genres comme la chanson ou la pop, largement moins consommés en streaming que les musiques urbaines, trouvent leur public. La diffusion de la musique à la télévision n’a jamais été aussi faible et rares sont les primes musicaux à réaliser de bonnes audiences. Comment l’interprétez-vous ?

La consommation de la musique à la télévision a considérablement changé comme le paysage audiovisuel. Le streaming, YouTube et le mobile ont permis un accès illimité à la musique. Il y a dix ans, les chaines musicales avaient l’exclusivité. Désormais un programme dédié à la musique doit être extraordinaire et dans une diffusion exclusive pour être regardé. Le spectacle des Enfoirés réalise des scores phénoménaux parce que c’est un spectacle extraordinaire qui a lieu une fois dans l’année. La musique reste toujours présente à la télévision, et CSTAR en est un bon exemple. Les musiques urbaines sont quasiment absentes de la télévision sauf sur CSTAR.

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