BRIEF actualités réglementation – juin 2018

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Commission Européenne – La DG CONNECT a publié fin avril une proposition de règlement « platform-to-business » qui s’inscrit dans le cadre de sa stratégie numérique. Il est question de clarifier les règles commerciales entre les plateformes, qui permettent l’accès aux consommateurs, et les entreprises qui ont recours à leurs services pour développer leurs activités sur le marché européen. « L’objectif poursuivi par ces nouvelles règles est de créer un environnement économique juste, transparent et stable pour le marché numérique » a précisé la Commission. Pour équilibrer les relations commerciales entre les plateformes et les entreprises, la Commission Européenne préconise le renforcement de la transparence par les plateformes dans leurs conditions d’utilisation et dans leurs rapports avec les entreprises, l’amélioration de l’organisation des plateformes pour résoudre les litiges avec notamment l’identification de médiateurs, ou encore la mise en place d’un observatoire pour suivre les changements permis par les règles qui auront été installées. Le texte concerne aussi les industries culturelles et en premier lieu la musique, les plateformes de streaming européennes Spotify et Deezer entre autres s’étant alliées en créant Digital Music Europe pour contrer la concurrence déloyale faite par les plateformes américaines.

EDIMA – L’association représentant les intérêts des plateformes a réagi dans la foulée à l’annonce de la proposition de règlement platform-to-business (P2B) de la Commission Européenne. D’après EDIMA, qui compte Google, Apple, Facebook ou encore Microsoft parmi ses adhérents, « la proposition semble faire basculer la balance du côté des entreprises partenaires des plateformes d’une manière qui semblant maladroite. EDIMA s’interroge sur la nécessité de renforcer les normes relatives à la transparence avec des règles qui vont beaucoup plus loin que les standards qui s’appliquent aux intermédiaires en dehors du marché numérique ». D’après l’organisation, le texte comporte d’ores-et-déjà des manquements relatifs aux spécificités des plateformes et de leurs modèles économiques. EDIMA ne voit donc pas la nécessité d’aller plus loin dans la régulation des plateformes dans la mesure où l’Union Européenne est dotée d’un cadre réglementaire « robuste ».

Commission Européenne – Six mois après l’avoir affirmé solennellement comme un volet de sa stratégie numérique, la Commission Européenne a publié sa proposition de Directive relative à la taxation des entreprises du numérique à la fin du mois de mars. Concernant les secteurs de la Culture, les plateformes sont clairement dans le collimateur de Bruxelles avec cette proposition, ce qu’appellent de leurs vœux plusieurs pays dont la France en première ligne depuis plusieurs années. Le projet de Directive précise que la taxe dite « Digital Services Tax » à laquelle sont assujetties les entreprises du numérique est imputable sur la base du chiffre d’affaires réalisé dans les États membres d’après les articles 6 et 7, et qu’elle s’élèverait à 3% d’après l’article 8. Les États membres doivent maintenant parvenir à un accord afin que le texte soit adopté, tandis que le Parlement Européen sera consulté pour avis.

Ministère de l’Économie et des Finances – En réaction à la proposition de la Commission Européenne sur la taxation des plateformes, Bruno Lemaire s’est exprimé au nom du G5 qui réunit la France, l’Allemagne, le Royaume-Uni, l’Espagne et l’Italie pour se féliciter de la proposition de la Commission Européenne qui permettra d’« avancer au niveau européen en l’absence de consensus global au niveau du G20 et de l’OCDE ». Le Ministre de l’économie et des Finances a également déclaré que c’est « en trouvant un accord sur une approche coordonnée à l’échelle européenne que nous garantirons l’intégrité du marché unique numérique », et souligné que l’objectif est de mettre « en adéquation l’imposition des bénéfices des entreprises hautement numérisées avec l’endroit où est créée la valeur ».

Autorité de la concurrence – L’organe administratif chargé de l’analyse et de la régulation des marchés a été sollicité pour rendre un avis sur la réforme de l’audiovisuel par la Commission des Affaires culturelles de l’Assemblée Nationale. Bruno Studer, Président de la Commission, a justifié cette saisine par le fait que les enjeux liés à la concurrence entre les acteurs soient « essentiels », « les relations entre les acteurs, les équilibres économiques et les conditions de partage de la valeur » étant à « repenser ». La date de la remise de cet avis n’est pas précisée, mais la réforme de l’audiovisuel étant un projet de loi important de la fin de l’année, l’Autorité de la concurrence devrait adresser son avis dans les meilleurs délais. Les grandes évolutions pouvant affecter les analyses de marché, les pouvoirs de marché des acteurs et leurs perspectives d’évolution, ainsi que la pertinence des évolutions du cadre réglementaire du secteur seront parmi les grands axes de l’avis de l’Autorité.

Commission Européenne / Parlement Européenne / Conseil de l’Europe – Les trois institutions européennes sont parvenues à un accord à la fin du mois d’avril concernant la directive « Services de Médias Audiovisuels ». Le texte vient réguler les plateformes dans le secteur de partage de vidéos à la demande avec, malgré une extension du principe du pays d’origine pour définir les règles s’appliquant aux plateformes, la possibilité pour les États membres de fixer des conditions relatives aux activités commerciales des plateformes, ce qui permettrait donc à la France de les contraindre à contribuer au financement de la création. Autre victoire principale pour les acteurs de la création, l’instauration d’un taux de 30% minimum d’œuvres européennes sur les plateformes VOD.

Assemblée Nationale – Les auditions dans le cadre de la mission d’information sur une nouvelle régulation de la communication audiovisuelle à l’ère numérique, qui avaient démarré en mars, sont maintenant terminées. L’ensemble des organisations professionnelles et des diffuseurs des secteurs de l’audiovisuel et du cinéma ont été auditionnés, en plus des principaux producteurs. Concernant le secteur de la musique enregistrée, tous les organismes de gestion collectives ont été reçus en plus des syndicats et du Bureau Export. A noter que des représentants des plateformes YouTube, Netflix, Facebook, ou encore Twitter se sont également exprimés.

Commission Européenne – Une série de recommandations pour enrayer la mise en ligne de contenus illicites a été publiée par la Commission Européenne au mois de mars. Les secteurs de la Culture sont aussi concernés entre autres, le texte précisant dans le 1er considérant que « dans certains cas, les hébergeurs peuvent tirer profit de certaines activités tierces comme par exemple la disponibilité de contenus protégés par le droit d’auteur sans l’autorisation des ayants-droit ». Parmi les préconisations, l’agrémentation des processus d’envoi des notifications à l’intention des plateformes, une meilleure information à destination des utilisateurs qui mettent en ligne des contenus illicites ainsi qu’une meilleure transparence, la mise en place de moyens techniques pour déceler les contenus illicites avant leur mise en ligne, ou encore une plus grande coopération entre les hébergeurs et les États membres.

EDIMA – L’organisation qui représente les intérêts des plateformes dont Google, Facebook, Twitter, ou encore Oath (Yahoo !) s’est dite « consternée » par l’approche « arbitraire » de la Commission Européenne dans le cadre de ses propositions pour lutter contre la mise en ligne de contenus illicites. D’après EDIMA, la publication des recommandations de la Commission Européenne n’a pas été précédée de discussions avec l’ensemble des acteurs, ce qui n’a pas permis d’inscrire ces propositions sur la base d’éléments factuels. L’accent a aussi été mis sur le fait qu’il n’était pas évident de voir en quoi les recommandations de la Commission Européenne constituaient une avancée dans la mesure où des nuances n’ont pas été faites sur les types de contenus, le contexte, les autres réglementations connexes qui s’appliquent et les possibilités de mise en application de ces mesures par des plateformes de type différent. Enfin, EDIMA a fait savoir sa volonté de coopérer avec les autres acteurs pour lutter contre la mise en ligne de contenus illicites.

Alliance for IP – Suite à la publication des recommandations de la Commission Européenne visant à contrer les contenus illicites, Alliance for IP, qui fédère une vingtaine d’organisations professionnelles dont la British Phonographic Industry (BPI), la Motion Picture Association ou encore Films Distributors’ Association, a fait part de la nécessité de vérifier les marges de manœuvre pour l’application de ces mesures et de prendre en compte le cadre réglementaire existant, notamment dans la directive e-commerce pour « garantir les meilleurs niveaux de protection ».

Creative Europe – La Commission Européenne a publié ses recommandations pour le budget de l’Union Européenne relatif à la période 2021-2027. Concernant les industries culturelles et créatives, c’est un budget renforcé qui est souhaité et ce à hauteur d’1,85 milliard d’euros, contre 1,4 Mld € pour la période actuelle (2014-2020). Pour rappel, le budget de l’Union Européenne relatif aux secteurs de la Culture se concentre dans le programme Creative Europe avec en son sein le volet MEDIA pour le cinéma, le volet Culture pour les autres secteurs ainsi qu’un volet transversal. La musique devrait également être dotée d’un programme distinct, l’action préparatoire ayant été officiellement lancée au printemps sous le slogan « Music Moves Europe ». Dans le détail, il est proposé de porter le budget afférent au volet MEDIA à 1,081 milliard d’euros tandis que celui dédié aux autres secteurs est fixé à 609 millions d’euros.

France / Québec – Lors de la 20ème rencontre alternée entre les Premiers Ministres de la France et du Québec, une déclaration commune concernant « l’internet et la protection et la promotion des œuvres culturelles dans l’environnement numérique » a été signée par Christine Saint-Pierre, Ministre des relations internationales et de la francophonie et Jean-Baptiste Lemoyne, Secrétaire d’État auprès du Ministre de l’Europe et des Affaires Étrangères. Ont notamment été réaffirmées dans cette déclaration les possibilités offertes par numérique et des nouvelles technologies pour les secteurs culturels, de même que la nécessité de déployer de nouvelles stratégies pour s’y adapter. Parmi les volontés exprimées, celles de « recenser les meilleures pratiques et initiatives des gouvernements étrangers pour assurer la visibilité et le rayonnement des cultures nationales », d’ « encourager la régulation des algorithmes pour qu’ils assurent une plus grande diversité des expressions culturelles et les contenus francophones sur le numérique », ou encore de « garantir des règles du jeu équitable en matière de fiscalité et de concurrence ».

Commission Européenne – A l’occasion du 5ème anniversaire de l’Autorité néerlandaise de la concurrence et des marchés, la Commissaire à la Concurrence a prononcé un discours sur la concurrence et l’équilibre du marché numérique. Magrethe Vestager a notamment déclaré que « Internet nous donne accès à des services basés dans des pays lointains mais peut aussi rendre difficile le fait de taxer les entreprises qui les commercialisent. Nous avons compris que nous devons appréhender les dérives possibles des nouvelles technologies pour mieux tirer profit des opportunités offertes par ces dernières. Nous avons donc besoin d’établir un cadre réglementaire pour endiguer les dommages causés par la tech. C’est ce que nous nous appliquons à faire avec les règles relatives à la vie privée des consommateurs ou encore avec la proposition de la Commission Européenne relative à la taxation des entreprises du numérique pour s’assurer qu’elles paient des impôts justes. Ces nouvelles règles n’inciteront pas les entreprises de la tech à mieux servir l’intérêt des consommateurs. Nous avons donc besoin d’un environnement concurrentiel. » Comme attendu, la Commissaire a également profité de cette occasion pour s’exprimer à propos de l’enquête concernant l’acquisition de Shazam par Apple. « Si l’on shazamme une chanson aujourd’hui, l’on peut accéder au titre via plusieurs plateformes de streaming comme Spotify et Deezer, or si la fusion entre Shazam et Apple se confirme, Apple pourrait tout à fait décider de lier Shazam à une seule et unique plateforme, Apple Music. Nous voulons aussi mieux comprendre les conséquences qui seront engendrées pour la concurrence si Apple et Shazam combinent leurs données concernant les tendances en matière de musique » a commenté Margrethe Vestager. La Commissaire à la Concurrence a notamment conclu en ces termes : « Les marchés sont en mutation permanente et nous devons pouvoir être en mesure de nous préparer à ces changements. Nous ne savons pas ce que sera le monde digital dans cinq ans, mais ce que nous savons est que quels que soient les changements, les autorités en matière de concurrence se doivent de garantir que les marchés sont équitables pour tous les consommateurs. »

Commission Européenne – Une enquête approfondie est menée par la Commission depuis fin avril sur l’acquisition de Shazam par Apple. Lors de cette annonce, Magrethe Vestager, Commissaire à la Concurrence, a déclaré que « de plus en plus d’Européens écoutent de la musique en streaming. Notre enquête a pour objectif de garantir que les fans de musique continueront à profiter d’offres attractives sur les plateformes de streaming et qu’ils ne se retrouvent pas avec moins de choix du fait de cette acquisition ». La possibilité qu’Apple accède à des données sensibles sur les consommateurs et sur les plateformes de streaming concurrentes dans l’Espace Économique Européen, et que cet accès puisse permettre à Apple de cibler les clients de ses concurrents pour les encourager à s’abonner à Apple Music est une préoccupation majeure de la Commission Européenne. La Commission Européenne prendra une décision au plus tard d’ici le 4 septembre prochain pour valider ou non le rachat de Shazam par Apple.

Creative Industries Council (UK) – Le Gouvernement britannique renforce depuis fin 2017 sa stratégie visant à soutenir ses industries pour accompagner leur développement économique sur le marché intérieur et leur exportation. Le poids économique des industries culturelles et créatives est évalué à 92 Mld £ (103 Mio €) avec en prime 2 millions d’emplois et une croissance deux fois plus rapide que les autres secteurs de l’économie. Une série de « contrats de filière » (Sector Deals) ont été signés ces derniers mois, dont un pour les industries culturelles et créatives. Ce partenariat conclu entre le Creative Industries Council, qui représente les secteurs culturels en matière politique et économique, et le Gouvernement porte sur un investissement total de 150 M£ soit 168 millions d’euros. Des fonds seront injectés pour développer notamment la réalité virtuelle (37M€), les studios de tournages, ou encore la formation. Le piratage est aussi l’une des priorités, puisque 2 M£ seront investis pour la campagne ‘Get it right’ visant à combattre la consommation de contenus illégaux et à éduquer les consommateurs pour les orienter vers les sites légaux.

CISAC – La Confédération Internationale des Sociétés d’Auteurs et Compositeurs a publié une étude portant sur le Safe Harbour et menée par le Dr. Stan Liebowitz, Professeur d’économie et Directeur du Centre d’analyse des droits de propriété et de l’innovation à l’Université de Dallas au Texas. Pour rappel, l’expression de Safe Harbour est utilisée pour qualifier l’ensemble de dispositions ayant mis en place une exception au principe de responsabilité des hébergeurs et intermédiaires au début des années 2000, aux Etats-Unis avec le Digital Millenium Copyright Act et dans l’Union Européenne avec la directive sur le commerce électronique. L’étude de 44 pages est présentée par la CISAC comme démontrant pertinemment que les plateformes tirent clairement profit de l’exception de responsabilité des plateformes qui accroit tant leur position dominante vis-à-vis des ayants-droit que leur leadership sur le marché. En plus d’être très détaillée sur les origines et fondements juridiques du Safe Harbour, l’étude Liebowitz précise notamment les difficultés de faire primer le droit d’auteur sur la mise en ligne de contenus sans autorisation et s’intéresse évidemment aux problématiques rencontrées par les ayants-droit avec YouTube.

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